King Hu (1931-1997), natif de Pékin, fuit le régime communiste pour entrer dans le monde du cinéma à Hong-Kong au début des années 1950 comme dessinateur et décorateur. Il gravit les échelons des studios, pour réaliser en 1966 et 1967 deux gros succès publics, L'hirondelle d'or et Dragon Inn. Ces deux titres assurent sa notoriété et donnent ses lettres de noblesse au genre dit "Wuxia". Deux opus se caractérisant par une réalisation de grande qualité, à base de plans élaborés, reposant sur des combats à l'épée ou de kung-fu, rigoureusement chorégraphiés, et l'emploi de décors sophistiqués, intérieurs et extérieurs. De nombreux personnages y compris secondaires, à la psychologie affirmée, une héroïne combattante au premier plan, sont sa marque de fabrique.
En 1971, Hu réalise A Touch of Zen, oeuvre de trois heures, à la fois admirable sur un plan artistique, et délicate à exploiter en salles en raison de sa durée. Le cinéaste, soucieux d'indépendance, travaille alors au sein de son propre studio de production et met en chantier en 1977 deux films tournés simultanément en Corée, dans des décors similaires : Legend of the Mountain et Raining in the Mountain. Ce seront des échecs publics, rapidement retirés des salles, à leur sortie en 1979. Legend of the Mountain contient des séquences splendides mais souffre d'un scénario incohérent. Raining in the Mountain s'affirme en revanche comme le probable chef d'oeuvre de la carrière du cinéaste.
On ne dévoilera aucun élément de nature à compromettre la découverte de Raining in the Mountain. Revu ces jours-ci en dvd (une réédition bluray 4K est à venir), avec un jugement revu en forte hausse. Disons que King Hu présente un spectacle flamboyant, quelque peu déconcertant par sa structure narrative atypique. L'héroïne "Renarde blanche" glisse au sein d'un immense temple accompagnée de son compère, coachée par un mentor aux lourdes responsabilités. Le mouvement physique est permanent. Dans une interview accordée à la presse française, King Hu explique avoir voulu produire une réflexion sur la nature du pouvoir, s'interrogeant sur le fait que le pouvoir est peut-être un moyen pour acquérir des privilèges (notoriété, aisance matérielle) ou une finalité en soi (se conjuguant avec une obsession maladive pour l'exercer, sans limite temporelle, renonçant à dérouler une vie simple et confortable).
Multiplicité des points de vue exprimée par les personnages, mais aussi réflexion proposée par le cinéaste sur les points de vue subjectifs portés au regard des observateurs. Récit abouti, chef d'oeuvre incontestable, mais qui se mérite. Derrière les apparences de film de genre, un film d'auteur à décrypter. La suite de la carrière de King Hu sera quelque peu erratique, avec des projets avortés, et quelques réussites comme All the King's Men. Hu meurt en 1997 à Taïwan, nous laissant une oeuvre originale et de forte envergure, redécouverte par chaque nouvelle génération cinéphilique.
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