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Honnêteté et amitié


De vincentp, le 25 mars 2018 à 23:47
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Akasen chitai (La rue de la honte) est le dernier film réalisé par Kenji Mizoguchi, en 1956, peu avant son décès. Après notamment Les musiciens de Gion et Une femme dont on parle, autres chefs d'oeuvre impérissables, voici une oeuvre ayant pour toile de fond une maison close située à Tokyo. Tourné quasi-intégralement en studio, Akasen chitai évolue au sein d'un groupe de geishas, encadrées par leurs patrons vénaux, entourées par leur environnement familial extérieur (un mari, un fils,…). Mizoguchi et son scénariste Masashige Narusawa s'attachent à décrire dans le moindre détail les psychologies et les motivations diverses de ces personnages. Le ciment de ce milieu social est l'argent, la sécurité et le bien-être assuré par le clan. La nature humaine, les ressorts les plus intimes de l'être humain, ses contradictions (il est question dans le récit du vote d'une loi de l'Etat nippon bannissant la prostitution) font l'objet d'une étude à la fois précise et juste.

Aucune scène de sexe (le sujet est traité avec pudeur), simplement la photographie d'une paire de fesses accrochée au mur d'une chambre, et le physique irréprochable de Machiko Kyo montré sous forme d'ombre chinoise. Deux des geishas déroulent des comportements que l'on pourrait qualifier d'avant-gardiste ce qui confère un caractère moderne à l'oeuvre. Côté formel, c'est simple, Mizoguchi marche sur l'eau, assènant une leçon magistrale de mise en scène. A l'aide de long plans-séquences indétectables, on passe de pièce en pièce, d'un individu à un autre, observant de très près les relations agitant ce petit monde. Akasen chitai est un spectacle extrêmement agréable à regarder, le spectateur est poussé à réfléchir, mais n'est pas placé dans une zone de réflexion inconfortable (façon Samuel Fuller). Akasen chitai est l'une des plus belles réussites du cinéma d'auteur qui soit, et présente l'avantage d'être très facile d'accès pour un spectateur européen contemporain.


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De dumbledore, le 4 novembre 2004 à 11:49
Note du film : 5/6

Avec La rue de la honte, Kenji Mizoguchi s'attaque à la chronique d'une bordel du quartier de Yoshikawa à Tokyo. Il aborde de front un sujet récurrent de son cinéma : la prostitution des femmes. Ce thème d'une société incapable de donner une chance aux femmes dans la misère, le fait qu'elles ne puissent s'en sortir autrement que par la prostitution, courra tout le long de l'oeuvre de Kenji Mizoguchi.

Il est ici au centre du film, abordé par tous les personnages du bordel, d'une même manière quasiment clinique : voilà ce qu'elles font, voilà pourquoi elles le font, voilà comment leur effort est vu et voilà leur échec. La différence entre les unes et les autres réside simplement dans leurs âges.

Ainsi, par exemple, Hanaë a du se prostituer parce que son mari est chômeur, malade et qu'elle a un enfant. Elle se prostitue pour qu'ils puissent survivre. Elle devra subir de plus la tentative de suicide de son mari. Elle rêve de pouvoir arrêter ? Elle se fera expulser de chez elle !

Ou bien encore Yumeko l'aînée du groupe. Elle s'est prostituée pour son fils, pour qu'il puisse faire des études. Elle rêve de s'installer avec lui? Il la rejettera car il a honte de sa mère. Elle finira folle… etc, etc. Toutes y passent : Mickey, Yasumi, Yoriya…

Yoriya se prostitue pour pouvoir enfin se marier. Quand elle ira à la recherche de son fiancé, elle découvrira qu'il est parti depuis longtemps car il a honte du métier de sa fiancé, etc, etc.

Seulement, comme toujours, Kenji Mizoguchi ne fait pas que dénoncer. Il a l'intelligence d'être plus constructif que cela. Certes, il y a une critique des bordels (l'action du film se passe entre l'annonce que le parlement va évoquer la possibilité de fermer les bordels et l'annonce qu'il ne le fera pas) mais La rue de la honte est surtout une réflexion sur la place de la femme dans la société japonaise. Kenji Mizoguchi pointe du doigt le fait – comme dans Les Musiciens de Gion – qu'une femme japonaise ne peut être que femme au foyer, "l'âme du foyer" dit un personnage du film, soit femme de plaisir. Autrement dit mère ou salope ! Le pire, c'est que si effectivement, comme le menace le film, les bordels sont fermés, ce ne sera pas pour autant la fin de la misère pour ces femmes. L'action à mener n'est pas là, dans cette fermeture facile, mais de construire, élaborer une place possible aux femmes.

A cette question, Kenji Mizoguchi le réaliste, n'apporte aucune solution, ni même aucune piste. Il n'arrive qu'à mettre dans ces maisons closes toutes les contradictions possibles : c'est le seul lieu où ces femmes sont respectées par les hommes alors qu'elles sont vue comme pestiférées à l'extérieur de ces murs (par les mêmes hommes au demeurant), le seul lieu où ces femmes connaissant l'honnêteté, le seul lieu de repos qu'elles puissent avoir entre deux clients, développant un réel sens de l'amitié. Mais, il ne faut pas oublier : aucune n'aime leur métier.

Encore une fois, Kenji Mizoguchi décrit un monde et nous en laisse seul juge pour trouver les solutions pour le changer !


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