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Lourdes : Les miracles

Comme tous les grands documentaristes, Georges Rouquier est un auteur à part entière. Ce qu'il nous offre n'est pas une réalité brute, mais un regard, une vision du monde. Georges Rouquier le sait bien et l'assume comme tel. Voilà pourquoi sans doute, il se met lui-même en scène dans ses films, systématiquement, comme pour nous rappeler que ce qu'il nous offre, c'est un témoignage. Rien de plus et dans le cas présent, rien de moins.

Si pour d'autres films cette mise en scène de lui-même n'est pas évidente ni apparemment nécessaire, elle prend dans Lourdes et ses miracles tout son sens. Intellectuellement, faire un documentaire sur Lourdes est un casse-tête. Plus difficile encore que de d'interroger l'invisible est d'interroger la croyance. Une camera uniquement directe aurait donné soit un film convaincu de croyant et le film de commande aurait été un film de propagande, soit un film de sceptique dans une critique et un démontage très facile, très destructeur et franchement sans intérêt.

Suivre Georges Rouquier en chair et en os dans son enquête sur Lourdes permet d'éviter les deux écueils. Nous avons sous les yeux un journaliste qui part enquêter et qui nous fait part de ses surprises, de ses doutes. Tout en abordant totalement son sujet, il se dédouane de tout accusation de partisanerie.

Méthodique, Georges Rouquier joue la carte de la distance "objective". Froid dans la description des lieux, de la présentation de l'histoire de Lourdes, il est toujours aussi froid et distant dans l'écoute de trois témoignages de miracles qui constituent la première partie de son documentaire. Tout comme lui, on ne peut être troublé par ces guérisons inexpliquées.

Le texte de présentation de cette seconde partie est très clairement d'obédience non plus documentaire mais chrétienne. Qu'importe, l'intérêt de cette deuxième partie du documentaire c'est que le réalisateur est ici libre de ne laisser parler que les images. Il s'est débarrassé pourrait-on dire de la tâche d'expliquer comment arrivent les guérisons inexpliquées, l'historique, etc, pour pouvoir enfin montrer ce qui semble le passionner plus que tout : la vie, la ville de Lourdes.

Sans commentaire, sans narration particulière, le film montre des images de Lourdes. Une ambiance particulière en ressort, l'ambiance absolument religieuse du lieu. Deux réactions semblent possible face à ces images, les deux variables selon ses propres croyances. Soit on adhère à la communauté d'espoir et de ferveur qui habite les lieux et qui sont retranscris par une bande son entièrement faite de chants religieux, (et de quelques dialogues fait en post production). Soit on réagit épidermiquement face justement à cette croyance et surtout à ces pratiques qui rappellent le moyen-âge ou plus généralement ce paganisme que peut revêtir le christianisme, monothéïste en théorie et souvent polythéïste dans ses pratiques : un dieu, une trinité, 12 apôtres, une foultitude de Saints, etc, etc.

Le film reste toujours sobre, toujours beau, même dans la souffrance des uns et des autres. On ignore si Rouquier était croyant ou non, et franchement, on s'en moque bien. Une chose est sûre. Rouquier croit en la beauté des hommes qui espère et la montre merveilleusement bien, et cette croyance là vaut toutes les autres.

Lourdes : Imprévu

Georges Rouquier reprend la parole pour apporter deux informations complémentaires à son film : la présence de deux guérisons inexpliquées durant le tournage du film. Le hasard est décidemment de son côté car les deux "miraculées" sont dans les rushes du film. Il va les voir, faire parler les médecins qui expliquent qu'ils ne peuvent expliquer ces guérisons…