"Badlands" est un classique qui se bonifie de toute évidence avec le temps ! La photographie, la musique, le montage, la mise en scène et l'interprétation demeurent aujourd'hui exemplaires. Le propos de Mallick, pris au premier degré, demeure aussi d'actualité : la société tend à produire des individus conventionnels et soumis, mais aussi, inévitablement des rebelles plutôt paumés dont l'échec est programmé à l'avance.

Mallick réussit toutefois, et c'est en cela que ce film est un chef-d'oeuvre, à donner une dimension supérieure à ce sujet, somme toute assez classique. Sans esbrouffe, par l'utilisation de divers moyens d'expression narratifs (une voix off sobre et discrète qui dissèque les tenants et aboutissants de la cavalcade tragique et qui pose un regard distancié sur les images qui défilent, l'incrustation de photographies ou d'images ordinaires qui replacent cette cavalcade peu ordinaire dans un contexte de la vie de tous les jours, des images muettes plus ou moins décallées du propos…), prend corps sous nos yeux émerveillés une méditation extrêmement fine et subtile, quasi-mystique, sur ce que peut être globalement l'existence humaine. Cette méditation -reprise et développée dans les deux films suivants de Mallick- agit sur le conscient et l'inconscient du spectateur, renvoyant celui-ci face à sa propre conception de l'existence.

Mais on pourraît peut-être aussi dans "badlands" voir aujourd'hui un auto-portrait de Mallick, artiste déchiré entre un ancrage conventionnel dans la société et un côté rebelle (coupé de la société, il n'a réalisé que trois films -que l'on sait être des chefs-d'oeuvre- en trente ans).

Nb : le bonus du dvd nous rappelle comment Terrence Mallick, qui ne donne pas d'interviews, fut piégé par le facétieux Martin Sheen, et apparaît en chair et en os dans un second rôle (brillament interprêté d'ailleurs). Espérons qu'à l'occasion de la sortie de son prochain film… Mallick accepte de s'exprimer en public !