Eh bien, la corruption, c'est comme la poussière : on a beau l'éliminer un temps, ça revient toujours. On ne change pas la Nature humaine. Voilà qui ne nous écarte que modérément du cinéma qui a l'art, comme la littérature, d'enfoncer avec constance des portes ouvertes. Et ceci n'est nullement embêtant lorsque, comme dans Main basse sur la ville, la vertueuse dénonciation est portée avec autant de talent. J'ai écrit plus avant que le récit est presque documentaire. C'est cela même : tous ceux qui ont un peu connu les subtilités des règlements d'urbanisme qui, grâce à un trait de crayon opportunément déposé, à un classement ou un déclassement de zone donnent à un territoire qui ne valait rien une valeur presque aurifère retrouveront là, au cœur de Naples (mais ça pourrait aussi se passer à Trifouillis-les-Oies avec simplement moins de zéros derrière le montant du chèque) les équilibrismes qui permettent aux différents pouvoirs de se sucrer.
Chacun prend sa gourmandise au passage. S'il ne s'agit que de spéculer sur la hausse du prix des terrains, de profiter des opportunités créées par la construction d'un lotissement (ou d'un pont, ou d'une autoroute), ça ne fait que remplir les poches des malins. Mais il y a aussi tous les trafics sur les matériaux, tous les coulages, toutes les malfaçons qui conduisent quelquefois jusqu'aux drames. Main basse sur la ville est de ce point de vue absolument exemplaire, servi par un scénario nerveux, bien qu'il soit aride. Les ententes d'appareil, le cynisme de tous ceux qui croquent les diamants bruts de la spéculation immobilière, la certitude que le cloaque résistera à toutes les commissions d'enquête, dénonciations, indignations et – naturellement – votations, sont montrées, de façon sûrement désespérée, par le réalisateur qui filme avec grand talent, avec une caméra qui vient, au ras des visages, capturer la veulerie institutionnelle. Disons aussi qu'il est bien aidé par une distribution impeccable où se détachent le magnifique Rod Steiger, affairiste puissant et Guido Alberti, maire de la ville et complice, qui, même détrôné aux élections municipales, conserve assez de poids pour se maintenir au sommet des affaires.Naturellement, comme dans tous les bons films italiens, la fin n'est pas heureuse. Ce vieux peuple civilisé connaît assez la musique pour savoir qu'on ne change rien à rien.
Bravo à Arca1943 je n'aurais pas dit mieux. Refermons la parenthèse.
Juste pour l'anecdote, je voudrais évoquer le personnage du politicien impuissant Balsamo (Angelo D'Alessandro) dans le film, chirurgien, indigné contre le pouvoir mais qui n'hésite pas à naviguer entre deux eaux en raison de la mésalliance de son chef pour ne pas échouer dans son combat d'idée. Il fait preuve d'une "sagesse triomphante". Ce Balsamo-là n'est pas sans rappeler un autre Balsamo, de son prénom Joseph, qui est plus connu sous le patronyme du comte de Cagliostro, médecin aussi chez les frères de la Miséricorde et surtout conspirateur à ses heures contre la couronne de France et Marie-Antoinette en particulier.
Joseph Balsamo fonda en son temps la loge maçonnique "la sagesse triomphante". Le compte de Cagliostro mourut en prison non pas comme conspirateur mais comme hérétique. Eh oui c'est bien connu nombre d'hommes politiques finissent en martyrs!
Page générée en 0.0042 s. - 6 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter