De très nombreux auteurs de science-fiction se sont penchés sur ces singularités fascinantes ; et en réfléchissant à nos propres vies, si nous sommes un peu honnêtes avec nous-mêmes, nous voyons bien comment, à certains instants, il y a eu des choix – ou des non-choix – décisifs.
L'effet papillon procède de ces préoccupations et les met en scène de façon assez habile, tout en se perdant, à la fin, dans sa propre complexité, c'est-à-dire en entassant les unes sur les autres les strates et les bifurcations. Il est vrai qu'elles commencent d'emblée à s’accumuler. Evan Treborn (Ashton Kutcher) vit aux alentours de New-York, dans une bourgade sans charme et apparemment sans histoire. Existence banale d'un gamin dont la mère est infirmière et dont le père, Jason, qui a souffert de troubles graves de la mémoire, est interné dans un asile. Seulement, dans le déroulement des jours d'un petit garçon, puis d'un adolescent comme Evan, il y a des ruptures : certains instants dramatiques cruciaux sont régulièrement gommés de sa mémoire ; c'est la situation classique du déni, pourrait-on dire. À la différence qu'Evan découvre fortuitement que, comme jadis l'a pu son père, il parvient à retourner dans ses souvenirs et à faire en sorte de modifier le cours malheureux des événements. Qui ne rêverait de pouvoir ré-arranger le passé en faisant disparaître les mauvais choix et les tristes routes ? Comment ne pas se vouloir démiurge au milieu de la complexité du monde, de ses tristesses et même de ses horreurs ? D'autant qu'Evan n'a pas vécu une de ces destinées fluides et gracieuses qu'on ne souhaiterait pas retoucher, ou simplement à la marge infime. L'internement de son père, d'abord, mais aussi les relations qu'il entretient avec sa bande de copains. S'il vit avec Kayleigh (Irene Gorovaia) un amour enfantin chaste, il subit l'influence de Tommy (Jesse James), frère cruel de son amie, l'une et l'autre abimés par leur père pédophile George (Eric Stoltz) , les uns et les autres prenant pour souffre-douleur le grassouillet Lenny Kagan (Kevin Schmidt). Tout ce qui se passe entre l'enfance (7 ans) et l'adolescence (13 ans) de ces jeunes gens accumule une immense quantité de saletés et de traumatismes. Jusqu'à ce qu'Evan, désormais jeune adulte, brillant étudiant, perçoive cette capacité qu'il a de pouvoir revenir dans son passé et d'en modifier les bases. Seulement – excellente idée du film – on ne répare pas, on ne ravaude pas la trame du passé, sauf à en brouiller bien davantage encore les contours et à en faire un chaos indescriptible. À vouloir corriger des errements scandaleux, Evan n'aboutit qu'à créer un, puis d'autres passés, en fait des mondes parallèles, générateurs d'aussi tristes monstruosités et drames que ceux qu'il prétendait corriger. C'est brillant, intelligent, quelquefois même délicieux ; mais à force de brio, précisément, voilà qu'on se perd dans les alluvions qui s'accumulent et dans les bifurcations infinies qui entraînent des drames souvent pires que ceux qu'elles étaient censées pallier : on ne joue pas comme ça avec la réalité donnée. Le film n'est pas exempt de cette évidence. Car il n'y a aucune raison qu'il se termine ; ni bien, ni mal.Au fait, Evan a-t-t-il jamais existé ?
Grand plaisir que ce film au scénario monstrueusement malin, n'évitant pas toujours les pièges qu'il s'est tendu à lui-même, mais recyclant avec brio nombre de vieilles idées : c'est en gros le thème de "La vie est belle " de Capra (son dernier tiers, en tout cas), mixé avec l'excellent "Fréquence interdite ", avec un petit arrière-goût de "Stand by me " (la bande de potes). C'est un peu fouillis et naïf (la scène chez la voyante, mal amenée), mais d'une énergie folle et même d'un humour très particulier.
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