Burning Days

Le jeune procureur Emre, fraîchement nommé dans une petite ville reculée de Turquie, se confronte aux notables locaux. Prêts à tout pour défendre leurs intérêts. Il entre en collision avec un monde de faux-semblants. Où l’intimidation se dissimule dans des regards faussement bienveillants. Où la menace sourd de paroles d'apaisement. Il va perdre pied, jusqu’au point de non-retour.

Jusqu'au vertige. Entraînant ses illusions et le spectateur avec lui.

Emin Alper délivre un lancinant cauchemar, déguisé en polar à l'efficacité implacable. Le film s'ouvre sur un immense gouffre creusé dans la chair du désert. Sous un soleil obstiné.

Il se termine au bord d'une crevasse. Dans une nuit saignée par la transe des lampes torches. La boucle est bouclée.

Entre ces deux apex, il aura filmé au scalpel le travail de sape de la manipulation la plus vile. Celle qui gangrène un repas nocturne supposément amical, séquence d'anthologie qui hantera le reste du film. Admirable Selahattin Pa?ali qui traduit imperceptiblement le lent vacillement de ses certitudes. Qui, en enquêtant sur le déroulement trouble d'une nuit, se retrouvera à enquêter sur lui-même. Dont chaque indice l'éloigne de la vérité tout en le confrontant à lui-même. À l'impensable.

Incroyable audace dans sa relation avec l'impeccable Ekin Koç, sous-tendue d'une tension homoérotique palpable. Dans un régime autoritaire et homophobe.

Virtuosité au cordeau d'une mise en scène qui travaille au corps un scénario imparable. Avec un art du flash-back à faire pâlir.

Un polar imparable, plus tendu que le slip de Recep Tayyip Erdogan quand il s’assoie sur la liberté d'expression. « Burning Days a été critiqué par le gouvernement et le ministère de la Culture turc a exigé le remboursement des aides accordées au film, soit 100 000 euros, arguant que le scénario avait été modifié sans leur consentement. » (Allociné). La boucle est bouclée.