Revu en copie 35 mm, copie du MoMa (musée d'art moderne de New-York), restaurée avec la participation du Film Institute, avec à la clé un constat d'évidence : il s'agit bien comme indiqué dans le programme "d'un des plus beaux et plus admirés mélodrames hollywoodiens", mais pas seulement… On note au générique de ce film réalisé par Leo McCarey en 1939 la présence de Delmer Daves au scénario, de Edward Dmytryk au montage et de Rudolph Maté à la photographie. McCarey ne cherche pas à épater le spectateur avec des effets de style, la trame est classique, les péripéties sans réelle surprise, en phase avec les sujets traités par le cinéma hollywoodien de l'époque. Les digressions introduites à mi-longueur du récit à propos de l'héroïne (et de sa curieuse activité au sein de l'orphelinat) enrichissent le sujet et apportent une épaisseur psychologique au personnage. Ce procédé assez atypique sera repris et approfondi dans Going my Way.

Au fur et et à mesure de l'avancement de l'histoire, les aspects de comédie cèdent le pas aux éléments du drame psychologique. Les rires des spectateurs s'éteignent progressivement. McCarey procède par petites touches tendres et délicates, et place le spectateur sous une douce perfusion émotionnelle. Sur la durée des 90 minutes, le procédé est susceptible d'agir sur cette part émotionnelle de ce spectateur. Il pourra y avoir bien sûr y avoir des réfractaires, rien n'est jamais partagé par tous. Les dernières séquences de Love Affair sont d'un brio exceptionnel, et impressionnantes de virtuosité artistique. Mc Carey tire le meilleur de Irene Dunne et de Charles Boyer. Boyer trouve là sans doute également le rôle de sa vie. L'impression finale est celle d'avoir affaire à une oeuvre d'art, d'une qualité exceptionnelle, destinée à briller de tous ses feux, pour une période à venir qui s'annonce particulièrement longue…

Une association très subtile de choses drôles, graves et romantiques. Tout est dans le style (dialogues, prises de vue, succession des idées et des séquences…). On peut adhérer ou non. Cela dépendra beaucoup de la sensibilité du spectateur. Je trouve pour ma part ce film de McCarey extrêmement réussi, voire même incroyablement réussi vu la minceur de l'intrigue. Tout est réussi du début à la fin. Chaque seconde (ou presque) contient une idée de génie de fond ou de forme. L'interprétation de Charles Boyer, Irene Dunne (parfaitement accordés) est de très grande qualité. Cette version de 1939 de Elle et lui est un de mes coups de coeur de l'année 2011.