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Malentendu fatal !


De Arca 1943, le 17 mars 2013 à 15:40

Entre moi et ce film, ce ne fut jamais l'amour. Je me disais que j'allais retenter le coup, ne serait-ce que pour l'excellent Gassman (et Sandrelli et l'ami Noiret et bien d'autres). Mais comme si le réalisateur n'acceptait pas que le temps a passé, pendant une partie du film, qui est une chronique qui court sur cinquante ans, Vittorio Gassman est clairement trop vieux pour son rôle – et je crois qu'il le savait bien, lui, et que ça se ressent dans son jeu.

Mais surtout, fondamentalement, je crois qu'Ettore Scola a été victime d'une sorte de malentendu fatal pour son genre de cinéma, j'entends la sorte de cinéma pour laquelle nous l'avons tant aimé : il a cru la critique. Laquelle l'a déclaré "grand auteur" à partir de Nous nous sommes tant aimés – mais venait justement de descendre en flamme son film Macaroni, une comédie que je trouve pour ma part désopilante.

Dans La Famille, la mise en scène de monsieur Scola est plus experte que jamais, et la scénarisation chorale est évidemment une des spécialités de la maison, et les amateurs de beaux mouvements de caméra seront contents. Pourtant il manque le liant essentiel: l'humour a en grande partie foutu le camp. Or le tempo et la construction si particuliers que l'on identifie volontiers à Scola, mais qui sont en réalité propres à un cinéma de genre, un serial dont il fut un des grands maîtres, ont toujours été intimement liés au fait qu'Ettore Scola, d'abord comme dessinateur au Marc'Aurelio (feuille satirique des années 1945-50), puis gagman non crédité sur les films de Macario et de Totò, puis coscénariste en tandem avec Maccari, puis enfin réalisateur, est un humoriste, un caricaturiste qui fait rire les gens. En gros, le malentendu est le suivant: la critique intellectuelle "de festival" a aimé Nous nous sommes tant aimés malgré que ce soit une comédie, alors que ce film, apogée d'un cinéma de genre, est un chef-d’œuvre parce qu'il est une comédie.

Et donc, voici un film qui recoupe en partie ce précédent sommet, ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'une chronique avec Vittorio Gassman qui court sur plusieurs décennies. Oh, il y a bien des touches d'ironie – on ne se refait pas – mais malheureusement, l'esprit de sérieux s'est mis de la partie et l'ennui gagne rapidement du terrain (d'autant que le film m'apparaît terriblement confiné aux intérieurs, et que la photo brunâtre de Ricardo Aronovich n'est vraiment pas ce que ce grand chef op' a fait de mieux). Or ce type de scénarisation, de construction, de mise en scène, de traitement des personnages appellent littéralement l'humour, car c'est de là qu'ils viennent, c'est dans ce vivier que cette façon de faire des films et de raconter une histoire s'est graduellement élaborée, ce qui se sent à tous les tournants: or, ça ne vient pas, même avec Furio Scarpelli et Ruggero Maccari au scénario.

C'est sans doute pourquoi la critique d'alors a encensé La Famille: enfin un vrai film sérieux, formaté "festival", qui ne risque plus, ô soulagement, d'être jamais confondu avec du cinéma populaire.

En même temps, bon, il m'arrive d'adorer ça par moments, parce que Gassman est un acteur génial, que j'ai toujours plaisir à retrouver, parce que je reconnais l'expertise narrative de scénaristes qui comptent parmi les meilleurs de l'histoire du cinéma: mais du "fonds" formidable qui a si longtemps été leur raison d'être, leur drive – comme on dit en anglais – "nationale-populaire", il ne reste presque plus rien.

J'ai trouvé ça étouffant et il m'a fallu tout mon petit change pour me rendre jusqu'au bout. Heureusement, le finale est très beau.


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