Connaissez-vous Panos H. Koutras, l’Almodovar grec ? Si non, vous ratez quelque chose… Précipitez-vous vite pour découvrir ses œuvres pleines d’originalité, de couleur, d’excès, de kitsch, d’humour, d’émotion, de références cinématographiques et autres… Malheureusement, l’économie de la Grèce étant ce qu’elle est, il n’a pas pu réaliser beaucoup de films car les financements sont difficiles à mettre en place dans ce pays laissé pour compte, qui ne se contente pourtant pas d’être à l’origine de notre culture et de nos idées, mais a encore tant à apporter si on en juge par l’inventivité et l’audace de Koutras.
Après un début tonitruant de kitsch assumé avec L’attaque de la moussaka géante qui voyait la « créature » en question déambuler dans les rues d’Athènes et impacter une galerie de personnages hauts en couleurs sous le regard éthéré de pétasses de l’espace observant les événements depuis leur soucoupe volante… il a réalisé l’un des films les plus poignants sur le thème du transsexualisme (Strella), dont le scénario allait bien plus loin que tout ce qu’on avait pu voir jusque là.
Avec Xenia en 2014, il nous a livré une Odyssée moderne en nous faisant suivre les pérégrinations de deux frères adolescents (Odysseas – c’est-à-dire Ulysse en grec – le plus âgé, et son cadet Dany, blond peroxydé et gay assumé accompagné de son lapin blanc tout droit sorti d’Alice au pays des merveilles), albanais par leur mère récemment décédée, mais grecs par leur père qui les a abandonnés enfants, et dont ils cherchent la trace tout en espérant se faire remarquer au concours de la Greek Star de Thessalonique !
Sur leur chemin, on croise sous le beau soleil si photogénique toutes les horreurs actuelles (racisme, rejet des migrants, intolérance, homophobie, bêtise, sur fond de crise économique mettant le pays à genou) tranchant avec ce qui fait rêver ces jeunes (paillettes, stars kitsch de la chanson, fantasme d’être reconnu par un show télévisé, refuge dans un monde merveilleux qui se mêle à la réalité…), mais aussi la solidarité des laissés pour compte et des marginaux qui se comprennent et s’entraident.
Koutras nous mène d’étape en étape de ce voyage initiatique d’une scène dure à une autre fantastique ou émouvante, sans qu’on sache très bien où il veut nous mener. La faillite des adultes et des gouvernants ainsi que la déficience des pères pèsent lourd bien-sûr, mais le ton n’est jamais amer ni larmoyant et l’espoir luit toujours à l’horizon. N’est-ce pas l’espoir qui seul resta aux hommes après l’ouverture de la fatale boîte de Pandora ?
Les ruines de l’Acropole ne sont plus qu’une attraction pour touristes et les anciens dieux de la Grèce qui lui donnèrent sa créativité, sa philosophie et ses institutions démocratiques semblent bien incapables, après tant de siècles de mise au placard, de rendre au pays sa grandeur. Les lois de l’hospitalité (en grec « Xenia » : le nom du film) que Zeus avait édictées, demandant aux grecs d’accueillir convenablement les étrangers dans l’acceptation des différences, sont à l’image de la chaîne d’hôtels du même nom qui connut le succès il y a plusieurs décennies, mais dont ne subsistent aujourd’hui que des ruines bétonnées. Mais les deux frères y trouvent malgré tout refuge et l’esprit des anciennes divinités sait encore se manifester à travers l’amour fraternel retrouvé, le regard bienveillant d’une chanteuse ou d’un patron de cabaret, ou dans des visions oniriques, dont une citation explicite de La nuit du chasseur.
Un bien beau film au contenu si riche qu’il mérite plusieurs visons. Ce mercredi 28 juin sur Arté à 23 h 35, ou en streaming pour ceux qui l’auront raté…
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