Cet excellent '71 de Yann Demange, sorti en novembre 2014, traite du conflit irlandais sous un angle radicalement différent d'Au nom du père de Sheridan. Ce dernier, qu'on peut rattacher au sous-genre du film carcéral, traite des errements de la justice conduisant à une grossière erreur judiciaire, tout en interrogeant en filigrane les notions de culpabilité et de rédemption, à travers le prisme d'une relation père-fils bouleversante.

Le film de Yann Demange suit le calvaire d'un soldat britannique (Jack O'Connell) isolé de sa section et qui tente de survivre dans une Belfast devenue un enfer urbain, une zone de non-droit. C'est une brutale plongée d'1h40 qui laisse le spectateur, à l'instar de son protagoniste, dans un état proche de l'asphyxie. Au cœur de l'action, la caméra capte un sentiment d'urgence, d'insécurité croissante, à l'image de cette incroyable course-poursuite dans des ruelles étroites. Le climat anxiogène qui suinte de chaque image produit parfois une étrange poésie macabre, comme lors de la longue déambulation hallucinée de Jack O'Connell après l'explosion d'un pub, dans les lueurs blafardes d'un crépuscule incertain.

Poursuivi à la fois par des membres de l'IRA et par des factions affiliées à l'armée britannique, au rôle trouble et agissant dans l'ombre, O'Connell lutte jusqu'à l'épuisement total pour survivre dans un environnement fait de barres d'immeubles sinistres, de ruines encore fumantes, admirablement saisies par le cinéaste.

La fin apporte un certain apaisement, tout en laissant un goût amer dans la bouche.

'71 est une brutale décharge d'adrénaline, un concentré de brutalité comme un uppercut en plein visage.