L'élégant échafaudage dont je titre mon message n'est pas, malheureusement, le film de Norbert Carbonnaux qui est une toute petite chose pour cinémas de quartier. Non : ce dont je parle, c'est la construction harmonieuse, et quelquefois alambiquée qui ornait jadis le zinc des bistrots parisiens et qui ne doit plus exister, sauf dans des recoins assez reculés de la Capitale, le présentoir à œufs durs, denrée libéralement offerte à la gourmandise de la clientèle, agrémentée de quelques grains de sel et proposée pour un prix très raisonnable.
À dire vrai, si, dans ma mémoire de cinéphage j'évoque l’œuf dur qu'on écale, me vient plutôt en tête le visage de Louis Cyphre (Robert De Niro) dans Angel heart,
film terrifiant d'Alan Parker,
et non la bouille frisottée de Darry Cowl.
Mais enfin, c'est comme ça que le film de Carbonnaux commence : un petit bonhomme timide et sans le sou, Louis Stainval qui casse un œuf dans un bistro parisien où on lui marche sur les pieds sans le remarquer.
Surtout, pour une fois, Darry Cowl bafouille et zézaye plutôt moins que dans les rôles qui lui valurent, pendant quelques trimestres, un invraisemblable et affligeant vedettariat. Autant sa prestation, quand elle était limitée à une ou deux apparitions pouvait être éclatante et fasciner Sacha Guitry
(Assassins et voleurs)
, autant son exposition majuscule en vedette était exaspérante, ce qui a donné des horreurs comme L'ami de la famille
ou Le triporteur.
Imagine-t-on qu'il a tourné treize (13 !!) films dans la seule année 1957 ? Il a donc explosé en plein vol : après 1960, Darry Cowl
est revenu au statu quo ante, celui d'une silhouette connue de tous, qui venait faire son numéro de cinq ou six minutes et toucher son cachet dans le tout et n'importe quoi du cinéma… Pas si gai que ça, finalement…
Les œufs durs me font penser à Paul Newman, qui en ingurgite 50 en une heure dans le superbe Luke la main froide
pour gagner un pari.
Pour moi ce sera :
''Il est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain..il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim…'' (Prévert). Je n'ai jamais pu voir un oeuf dur sans penser à cette phrase.
Pour ce qui est des treize films en un an, Darry Cowl addict aux casinos, perdait des sommes folles tous les soirs. Il téléphonait à son agent à une heure du matin pour lui dire : "-Trouve moi un truc pour demain, sans faute ! N'importe quoi !-" Il arrivait sur le plateau, ne sachant ni le titre du film, ni quels acteurs qu'il allait trouver, ne connaissant pas une ligne du scénario. Il faisait son numéro de zozotement pendant trois minutes et basta ! Il a lui-même raconté ça mille fois !
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