Je pourrais vous dire que par rapport au livre…, mais je n'ai pas lu ce livre. Un peu comme pour Proust (dont j'ai lu quelques belles pages quand même) il y a ceux qui parlent de Fedor Dostoïevski
et ceux qui ont lu Fedor Dostoïevski.
Alors je me suis trouvé devant un film très librement inspiré de l’œuvre éponyme nous dit le générique. Ça me fait une belle jambe. Et j'ai vu quoi ? J'ai envie de dire que c'est un mélange des Bas-fonds
et de Maigret tend un piège.
Même si très librement adapté, la lourdeur russe se fait ressentir d'un bout à l'autre. Ce qui me fait dire que la version de Pierre Chenal
avec Harry Baur
doit être vraiment très pesante. Parce que Georges Lampin, qui s'est déjà frotté à Dostoïevski
avec L'Idiot,
tente quand même de rendre ce climat un rien plus léger.
Le film démarre pesamment donc. Et puis, il devient plus aérien au fur et à mesure qu'interviennent des gens qui ont l'air de passer, comme en voisins. Ils ont vu de la lumière et sont entrés. Ils n'ont pas grand chose à dire, mais le peu de son qu'ils émettent entretient le trouble, le doute ou alors réconforte notre René… Julien Carette, ivrogne pour toujours trouvera auprès de Hossein
un réconfort inattendu et une raison de continuer. Marina Vlady,
absolument radieuse, est un ange. Un ange prostituée. De sa grâce, de sa douceur et de sa beauté, viendra la délivrance pour notre René décidément bien mal emboité. Curieux film, drôle d'ambiance… Des odeurs de sainteté qui passent à travers les pavés de mauvaises intentions. Comme est curieux ce commissaire de police Gabin
qui tente, à l'inverse d'un Maigret tend un piège
de jouer les désinvoltes. Et chose étrange, on y croit pas un instant au début. Et puis, doucement, il tient formidablement son personnage. Il nous a eu, le père Gabin.
Il nous emballe de première. Chapeau ! Mais le plus grand, celui qui les surpasse tous, de loin, et avec une présence insensée, c'est l'ignoble (il se surnomme ainsi), le monstrueux Bernard Blier.
Et pourtant le plus propre de tous ! Expérience, démonstration a l'appui. Énorme personnage et acteur, Blier
! Il fait de ce film, outre la raison principale de le voir, une merveilleuse invitation à la réflexion sur nos "vertus"..
Je pense avoir appris un peu de ce film. Juste un peu. Et le final magnifique accompagné par Maurice Thiriet, avec l'orchestre de l'association des concerts Colonne me l'a confirmé. Tout ça est bien sombre, bien crasseux. Mais même dans la boue la plus gluante, il y a un soleil pour les gueux. D'où qu'il vienne. Je vais le lire, ce livre…
Et moi, cher Tamatoa , je n'ai pas vu ce film, ni une quelconque autre adaptation cinématographique d'une oeuvre de Dostoïevski. Par contre, j'ai lu cet auteur, contrairement à vous, où plutôt je suis en train de le lire depuis 3 ans. Je me suis mis dans l'idée de finir sa bibliographie d'ici quelques années. Et pourquoi donc ? Je n'ai pas pour prétention de conseiller quelques lectures puisque mes connaissances littéraires restent encore très modestes (et la vie sera, hélas, trop courte, pour me permettre de combler toutes mes lacunes).
Mais lisez donc une oeuvre de Dostoïevski (traduite par André Markowicz je précise). Alors si vous n'avez pas le temps de lire Crime et Châtiment, les frères Karamazov, l'Idiot ou les Démons, rabattez-vous sur le Joueur ou l'Eternel mari, d'un format plus modeste.
Dostoevski c'est une merveille d'écriture, une écriture folle, nerveuse, enflammée, magique, éprouvante, délirante parfois. C'est incisif et enlevé. Mais surtout c'est une réflexion sur l'homme, le libre arbitre, le bien et le mal, l'existence de Dieu. J'y apprends beaucoup, et je me nourris énormément de ces réflexions.
Une série consacrée à la vie de Dostoïevski démarre aujourd'hui sur Arte. J'ai regardé ce soir les deux premiers épisodes qui m'ont semblé bien fades…
Oui, Nicoco, je vais prendre le temps de lire Crime et chatiment, je me le suis promis. Et puisque vous avez la gentillesse de donner suite à mon message, pouvez vous répondre à la question que j'ai posé et qui n'a trouvé aucun écho : Si j'ai bien tout compris, c'est cet affrontement entre pensées antinomiques où Dieu met son grain de sel qui est la trame du film. Vous serez aimable de me dire si j'ai tout faux. Personne n'ayant pris la peine de répondre ( à moins que Fedor Dostoïevski
ne fasse fuir tout le monde ! ), pouvez vous me dire si j'ai capté l'essentiel ..
En vous remerciant bien.
Tamatoa, s'il vous plaît, ne nous faites pas le coup de Personne ne me répond ! ; la récrimination vous va mal… Je ne suis pas un aussi fin lecteur de Dostoievski que Nicoco (qui a bien raison de se plonger dans l'intégralité de l’œuvre) et je n'ai lu que Crime et Châtiment,
L'Idiot
(et Souvenirs de la maison des morts) mais vous avez vu juste : de ce que je perçois, la question spirituelle et le mystère du Christ sont au centre de sa réflexion.
Ce qui rend particulièrement compliqué la représentation cinématographique de ces questionnements..;
Je ne vous ai pas répondu Tamatoa mais je manque cruellement de temps pour participer comme il se doit à ce forum de qualité.
La question de l'existence de Dieu est effectivement très présente, surtout dans les dernières oeuvres de Dostoïevski, l'analyse psychologique de l'âme humaine également, Dostoïevski
mettant souvent en scène des personnages outranciers, caricaturaux, aux comportements grossiers : ils témoignent des contradictions de l'homme et de la complexité de la nature humaine.
Mon analyse rapide du livre est la suivante.
L'idée basique du roman est folle : justifier les crimes commis par les personnes intellectuellement supérieures, qui contrairement à Raskolnikov, ont la force de ne rien regretter. Raskolnikov ressassant son geste se rend compte qu'il n'a pas cette force de caractère des gens supérieurs. Qu'il n'en n'est donc pas un. Qu'il n'avait donc pas le droit de tuer et qu'il ne mérite que le bagne. Ce qui fait penser à Raskolnikov l'idée monstrueuse suivante : "Voilà en quoi seulement il se reconnaissait un crime : le seul fait de n'avoir pas été capable de le supporter, et d'être venu se dénoncer lui même".
Et pourtant je crois que Dostoïevski en écrivant cela renverse complètement la théorie de Raskolnikov : par sa dénonciation, Raskolnikov prouve au contraire qu'il est un être humain, et non un monstre, et que la vie humaine est tellement sacrée qu'on ne doit pas y porter atteinte. Et qu'en tant qu'être humain rempli de faiblesses, il a le droit au pardon, il a le droit à la "régénérescence", idée évoquée à la toute fin du livre.
Je ne sais malheureusement pas ce que tout cela donne en film…
Allez Tamatoa, je ne résiste pas à la tentation de vous faire découvrir un écrit de Dostoïevski et vous fait part d'une citation tirée de L'idiot, selon moi d'une puissance folle (il parle de la peine de mort) :
« Mais la douleur la plus forte, la plus grave, peut-être, elle n'est pas dans les plaies, elle est dans ce qu'on sait à coup sûr que, là, dans une heure, et puis dans dix minutes, et puis dans une demi-minute, et puis maintenant, là, à l'instant, l'âme va jaillir du corps, et qu'on ne sera plus jamais un homme – et que tout ça c'est à coup sûr ; le pire, c'est ça – à coup sûr. Et quand on met la tête sous cette lame, et qu'on l'entend qui glisse au-dessus de la tête, c'est ce quart de seconde là qui est le plus terrifiant »
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