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Forum : Sailor et Lula

Sujet : Le feu et la flamme


De Impétueux, le 8 novembre 2004 à 13:14
Note du film : 5/6

En le voyant lors de sa sortie, j'avais, je pense, été un peu déçu par cette histoire déjantée, plus visuellement violente que Blue velvet et je n'en avais pas gardé un souvenir positif.

Mais il se trouve que je l'ai revu hier en DVD ; les vraies oeuvres se bonifient avec le temps, et une kyrielle de détails, de plans, de propos, d'images et de musique m'ont confirmé, s'il était besoin, l'immensité du talent de David Lynch


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De fredouille1211, le 28 décembre 2010 à 23:44
Note du film : 6/6

On dit que Lynch écrivit le scénario de Sailor et Lula en seulement 6 jours d'après le roman du même nom de Barry Gifford. Il en fit à la fois un road movie, un soap opéra et un conte fantastique.

Sailor, descendant d'Elvis à la veste en cuir imitation serpent et Lula, la fille de pacotille qu'il trouve plus séduisante que toutes les autres, sont si naïfs, si plongés dans leur amour, qu'ils ne se rendent pas compte de l'enfer qui les entoure, et qui pourtant les accompagne partout comme la face grimaçante et hideuse de la mère de Lula.

Lorsqu'ils sont au lit à s'aimer (ce qui arrive souvent), le film se métamorphose alors et les mouvements s'accompagnent d'éclairs éblouissants et de hard-rock assourdissant sans oublier l'effet de détonation de l'allumette pour la cigarette qui suivra. Le feu est d'ailleurs le thème dominant du film, un thème à la signification importante également en ce qui concerne la structure narrative. Des flash-back nous montrent un homme en train de brûler, une maison en flammes, une voiture qui tombe d'une falaise et explose. Le maîtresse du feu, c'est la mère de Lula, Marietta (jouée par la vraie mère de Laura Dern, Diane Ladd) qui accompagne Lula pendant le voyage comme un fantôme. Autrefois, elle arrosa le père de Lula avec de l'essence pour le faire brûler. Et elle fit également payer l'oncle de Lula, oncle Pooch, qui avait violé la jeune fille en provoquant une grossesse.

Pendant leur voyage, Sailor et Lula arrivent une nuit sur le lieu d'un accident. Ils verront alors une jeune fille mourir des suites de ses blessures sans pouvoir intervenir.

C'est une impuissance analogue que l'on ressent comme spectateur de ce film : on n'arrive pas à en détacher son regard même si on le préfèrerait parfois. Sailor et Lula est un film typique de Lynch avec son histoire sombre et surréaliste, le montage inhabituel de ses images et la perspective de se caméra sans oublier sa musique pénétrante. Avec le recul cependant, il fait l'effet d'être le précurseur d'une nouvelle forme de films d'auteur qui atteint le grand public grâce à des réalisateurs tels que Tarantino : un cinéma qui aime les citations et dans lequel se fondent les limites entre le goût de masse et la culture underground. Un cocktail détonant d'idées originales, de motifs "trash" et d'accessoires du film de genre. Chez Lynch les amants sont, comme dans A Bout de Souffle ou Pierrot le Fou de Godard, complètement isolés : ils parlent beaucoup, parfois directement dans la caméra, parfois légèrement à côté, mais toujours comme s'ils s'adressaient à eux-mêmes. Ils se trouvent dans une bulle de bonheur, et tout autour c'est l'enfer, notre monde à nous.


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De tedsifflera3fois, le 12 juillet 2011 à 17:24

David Lynch propose une version grunge de Roméo et Juliette. Grandiose et déroutante. Ma critique : http://tedsifflera3fois.com/2011/07/12/sailor-et-lula-critique/


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De Impétueux, le 28 juin 2013 à 19:15
Note du film : 5/6

Sans doute peut-on voir dans Sailor et Lula une relecture (comme on dit) de l'immortel mythe de Roméo et Juliette. Mais si les Capulet sont là (la mère de Lula et ses amants), on chercherait bien en vain les Montaigu, Sailor ayant très jeune perdu ses parents et ne portant pas le poids de querelles recuites…

Trêve de plaisanterie ! C'est évidemment l'histoire de Blanche neige que David Lynch raconte, après que les Sept nains sont retournés travailler à la mine et que le Prince charmant a réveillé la Belle (et on sait bien de quelle manière !). Seulement la méchante marâtre a survécu, a développé une incroyable relation possessive avec la jeune fille et, à défaut de pouvoir l'enlaidir, a souhaité la préserver de l'étreinte du Mâle, plaisir qu'elle se réserve et dont elle use sans compter.

Des preuves de ce que j'avance ? Mais tout simplement le narcissisme fou de Marietta (Diane Ladd), propre mère, à l'écran comme à la ville, de Lula (Laura Dern), sa manière de boire des coquetèles qui sont en fait des philtres maléfiques, de se regarder dans des miroirs et de rechercher sa fille/rivale dans des boules de cristal. Pas convaincant, cela ?

Cela dit, comme c'est un film de David Lynch, un des réalisateurs les plus talentueux, mais les plus chtarbés de toute l'histoire du cinéma, ce n'est pas dans les douceurs acidulées de Walt Disney que ça se passe, mais dans des États-Unis dépeints comme un pays composé à part presque égales d'assassins et de débiles, une sorte de publicité négative pour qui voudrait visiter la frontière entre les Caroline du Nord et du Sud et le Texas profond. Dans ces contrées étranges et angoissantes par leur existence même, les lumières des bars louches sont rougeoyantes (comme dans Twin peaks et dans Blue velvet) et les routes hypnotiques (comme dans Lost highway et dans Mulholland drive). Glaçant. On comprend pourquoi David Lynch est de plus en plus parisien.

L'amour d'incandescence de Sailor et de Lula est à peu près la seule netteté d'un film assez sale par ailleurs. Amour fait autant de tendresse, d'attention à l'autre que de désir et de plaisir. C'est bien ça : un beau film d'amour comme il n'y en a pas si souvent que ça, au delà des violons, altos et violoncelles qui sont si souvent employés. Sailor et Lula sont si naïfs, si tendres, si attachants dans leur histoire, si purs aussi (j'entends déjà des ricanements graveleux !) au milieu d'une sorte de cloaque insupportable et monstrueux, de visages inquiétants, de fous furieux, de tueurs sadiques… Extraordinaire personnage, soit dit en passant, de Bobby Peru (Willem Dafoe).

Du reste la distribution est excellente ; tout à la fois fragiles et forts, Lula (Laura Dern) et Sailor (Nicolas Cage) ont à la fois le grain de folie et d'innocence qui sied à leurs personnages ; et les autres visages choisis, avec le soin qu'on imagine, par Lynch sont remarquables…

À la fin, l'image de la méchante reine s'efface du miroir : on n'est plus dans Blanche neige, mais dans Le magicien d'Oz et la sorcière aux dents vertes a été vaincue. Ce qui est à la fois moral et sympathique.


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De Arca1943, le 1er juillet 2013 à 20:29

« …un des réalisateurs les plus talentueux, mais les plus chtarbés de toute l'histoire du cinéma.»

Un des plus chtarbés ? Que signifie cet étrange vocable ?


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De spontex, le 1er juillet 2013 à 21:03

chtarbé, e adjectif. : Fou, dingue : « Il est complètement chtarbé ce mec, il a failli me rentrer d'dans avec sa bagnole ! » Syn. barge, barjo. (étym. De chtar, qui a reçu un coup.)

Source : Le Dictionnaire de la Zone

(À ne pas confondre avec les haricots)


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De Tamatoa, le 1er juillet 2013 à 22:33

Je suis d'avis d'interdire l'accès de ce site à ces jeunots et leurs langages décousus… Spontex, veuillez, je vous prie, effacer le message de cet adolescent à la dérive !


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De Arca1943, le 2 juillet 2013 à 19:40

Donc, je peux dire, par exemple : «Impétueux est chtarbé grave avec ses films de cannibalisme italoches» ?


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