Méditation nostalgique sur le temps qui s'écoule, la mort et la résignation acceptée, sans révolte, de ce qui s'enfuit. La plus belle des variations qui se puisse imaginer au cinéma sur la solitude de l'être humain. Le film-testament de Huston tutoie les anges.
Une pure merveille, et c'est encore rien de le dire. Je suis vraiment heureux que le titanesque John Huston ait pu donner ce dernier coup d'archet, après avoir – même lui ! – subi le contre-coup de la dépersonnalisation du cinéma hollywoodien des années 80. (Phobia, Annie, Victory… Quoique Victory, à la réflexion, est peut-être sauvable). Voir ce film a été pour moi une expérience d'autant plus magique que je l'ai ressentie comme une sorte de victoire remportée contre la médiocrité ambiante. Et puisqu'il avait si bien réussi à porter l'écran l'univers de James Joyce, ma foi son projet d'une version cinématographique de L'Automne du patriarche de Garcia Marquez me semblait moins irréaliste… Je crois même avoir attendu la sortie de ce film… avant qu'on nous annonce la mort du maître.
Un film désespéré, désespérant et magnifique ; dans lequel la bêtise des hommes détruit tout (déjà) , y compris deux jeunes êtres qui auraient la vie devant eux mais n'ont que la mort comme "solution". Un DVD SVP….
Oui, Huston réalise la sortie à laquelle tout artiste aspire : en beauté, avec ce film concis (75 minutes), qui brasse de façon subtile des sujets essentiels (l'amour, l'amitié, les rapports entre générations, entre classes sociales, entre cultures, entre religions, la place de l'art dans la société, le temps qui passe,les racines culturelles…) et qui brosse au travers d'une simple chronique familiale un portrait de l'humanité toute entière, vue par un homme qui est à la fin de sa vie. Un beau testament pour Huston, aidé dans sa tâche par ses propres enfants (son fils a participé au scénario).
La fin du film est superbe : le ton juste, la beauté visuelle des images et la puissance du propos marquent durablement le spectateur.
Une belle épitaphe pour un beau testament !
Ceci n'est pas faux, mais ceci est très insuffisant. Parce que ce diable de John Huston sait parfaitement huiler sa machine et mettre dans sa poche le spectateur, souplement, intelligemment, sans le perdre jamais dans les méandres des relations qui sont établies entre les différents protagonistes : il y a une douzaine de personnes qui interviennent, sans compter Lily (Rachael Dowling) la femme de chambre et de service : c'est donc un assez grand nombre, mais on n'en est nullement gêné.
Pourtant on ne saura, à la fin du film, pas grand chose d'eux, il n'y aura pas eu de surprenante révélation, pas davantage d'explication sur le statut, l'état, la condition de chacun : tous ces gens réunis lors d'un dîner d'hiver se connaissent et savent sans doute à peu près tout les uns des autres mais le spectateur devra se contenter d'apprendre ici et là quelques bribes d'existence ou même de deviner ce qui a pu se passer. Et qui mieux est il n'y a pas de lourd secret, de dessous des cartes glaçant : tout le monde sait – et admet presque – que Freddy Malins (Donal Donnelly) est complétement, totalement imbibé d'alcool, mais on ne saura pas pourquoi, comment, à cause de quoi. La belle Molly Ivors (Maria McDermottroe) ne dissimule pas sa flamme indépendantiste et républicaine et quitte l'assemblée amicale pour aller assister à ce qui pourrait être une réunion de la future IRA (on n'est qu'en 1908 ; hors l'Ulster, l'Irlande ne deviendra indépendante qu'en 1922). Donc des gens de la moyenne bourgeoisie dublinoise qui se retrouvent pour le réveillon de Noël autour d'une oie rôtie et de trois vieilles filles musiciennes, les sœurs Morkan, Kate (Helena Carroll), qui dirige son monde, Julia (Cathleen Delany) qui fut jadis cantatrice et, sensiblement plus jeune, Mary Jane (Ingrid Craigie) qui enseigne le piano ; on ne saura pas pourquoi ces trois femmes sont célibataires. On ne saura pas davantage donc, ou très furtivement, qui sont les invités. Et que fait M. Browne (Dan O'Herlihy), seul protestant, au milieu de cette assemblée catholique ?Et finalement, ça n'a pas d'importance. Puissance de l'écriture de James Joyce ? Talent d'adaptation et de mise en scène de John Huston ? L'un et l'autre, sans doute… En tout cas, comme c'est bien que sur un seul air fredonné lorsque l'assemblée se sépare, Gretta Conroy (Anjelica Huston) conte sans miévrerie à son mari Gabriel (Donal McCann) le souvenir d'un grand amour de jeunesse…
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