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Forum : Zatôichi, le masseur aveugle

Sujet : Oeuvre de référence


De Arca1943, le 19 septembre 2008 à 16:36
Note du film : 6/6

Si je comprends bien, Zatoichi est arrivé en France, comme bien d'autres films d'action et d'aventures japonais, avec quelque chose comme trente à quarante années de retard. Je tiens à souligner que ces années de retard sont irréparables, non parce que le film ne serait plus regardable aujourd'hui – au contraire, il tient très bien la route – mais parce que le cinéma étant autant un commerce qu'un art (comme disait, je crois, Malraux, et avec raison) ce manque à gagner donne le vertige. C'est un produit Daiei, et la Daiei fait faillite au début des années 70. Or, en voyant Zatoichi monogatari, je ne peux m'empêcher de rêver : si cette franchise avait été exportée… si elle avait été importée… La mentalité de cinémathèque qui apparemment guidait l'importation de tous films étrangers autres qu'américains se révèle, encore une fois, terriblement nuisible : un goulot d'étranglement, un étouffoir, un piège. Idem, bien sûr, au Québec, où prévalait exactement la même attitude (copiée sur la France, pays "de la grande culture" à nos yeux). Nous avons donc pu voir en salle La Mort par pendaison (1969), grand film d'auteur de Nagisa Oshima, mais pas Goyokin (1969), grand film d'action de Hideo Gosha. J'apprécie ces deux films autant l'un que l'autre, mais si vous me demandez lequel des deux était, en 1969, le plus susceptible d'aller chercher des spectateurs, il me semble que la réponse est évidente. Ceux-là même qui vilipendaient (et vilipendent toujours) la méchante grosse machine commerciale américaine étaient en même temps ceux qui, par haine du spectacle, du divertissement, du cinéma dit "grand public", s'assuraient en somme que ladite grosse machine ne trouve sur son chemin aucune concurrence sérieuse, capable de vraiment lui piquer des spectateurs.

Spectateur d'été, spectateur pop-corn, je me suis formidablement diverti pendant la saison estivale en allant voir en salle (climatisée !!!) des films comme Iron Man ou The Dark Knight. Mais quand le blockbuster d'été se révèle un four, comme c'est le cas de X-Files: I Want to believe, aussitôt j'ai tendance à me tourner vers d'autres horizons pour trouver ma pitance et je me pose cette question ingénue : en tant que film-à-grand-spectacle-d'été-pop-corn, pourquoi "ils" ne sortent pas en salle, dans une excellente version française, Nihon chinbotsu ? Ce film catastrophe a pourtant toutes les chances d'être bien plus divertissant !

Mais bien sûr il n'en est pas question, quand bien même aurait-il franchi la barre des 10 millions de spectateurs au Japon. On veut seulement certains blockbusters mais pas d'autres.

Soleil lointain de la Toho, je t'invoque !


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De vincentp, le 8 mars 2021 à 22:11
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Zatoichi, le masseur aveugle réalisé par Kenji Misumi en 1962, est le premier des 26 films de la série Zatoichi. Déroulé sur une tonalité austère et sombre, ce premier opus contient tous les thèmes de la série qui seront développés par la suite. Peu de combat, ce n'est pas un film de sabre comme on peut le concevoir. Il s'agit d'une réflexion sur le sens de la vie, ses épisodes plus ou moins heureux, particulièrement bien construite. La mise en scène de Misumi utilise toute une panoplie de plans originaux et judicieux. Le film fonctionne par paquets de séquences, alternant scènes intimistes marqués par des sentiments amoureux (avec la femme), ou d'amitié (avec le samouraï rival) et scènes d'actions portés par les grands travers de la société humaine (combat pour le pouvoir, la gloire et l'argent). L'alternance entre intérieurs et extérieurs, l'intégration des décors urbains (le bar, le village, le temple) et de la campagne (l'étang, la rivière,…) sert à fond la dramaturgie.

Le talent de Kenji Misumi en tant que réalisateur orchestre le tout de façon à la fois brillante et naturelle. Les dialogues et la musique, l'interprétation et la photographie sont d'une qualité exceptionnelle. L'absence de temps mort, de séquence d'intérêt moindre est à noter ; le rythme est rapide et le film passe à toute vitesse, avec fluidité. Chacune des séquences constitue un monument cinématographique à elle seule, telle la séquence finale entre les deux samouraïs. Il s'agit-là, sans exagération, d'un des meilleurs films de l'histoire du cinéma, que l'on peut placer au niveau des plus belles réussites de Mizoguchi, Ozu ou Kurosawa. Le fait est que ce film est trop méconnu, tombé dans l'oubli, ou trop lié avec la série des autres Zatoichi, de qualité inégale. On ne peut que conseiller de découvrir ou redécouvrir l'oeuvre de Misumi, par exemple au travers de ce film, une oeuvre qui va traverser sans encombre les prochains siècles, vu sa portée et sa qualité artistique.


Zatoichi, The Blind Massager directed by Kenji Misumi in 1962, is the first of 26 films in the Zatoichi series. Unrolled in an austere and dark tone, this first opus contains all the themes of the series which will be developed subsequently. Little fight, this is not a saber film as you can imagine. It is a reflection on the meaning of life, its more or less happy episodes, particularly well constructed. Misumi's staging uses a whole panoply of original and judicious shots. The film works in packages of sequences, alternating intimate scenes marked by feelings of love (with the woman), or friendship (with the rival samurai) and action scenes carried by the great failings of human society (fight for the power, fame and money). The alternation between interiors and exteriors, the integration of urban settings (the bar, the village, the temple) and the countryside (the pond, the river, etc.) is used to the dramaturgy.

Kenji Misumi's talent as a director orchestrates everything in a way that is both brilliant and natural. The dialogues and the music, the interpretation and the photography are of exceptional quality. The absence of dead time, of lesser sequence of interest is to be noted; the rhythm is fast and the film passes at full speed, with fluidity. Each of the sequences constitutes a cinematographic monument in itself, like the final sequence between the two samurai. This is, without exaggeration, one of the best films in the history of cinema, which can be placed at the level of the greatest successes of Mizoguchi, Ozu or Kurosawa. The point is that this film is too little known, forgotten, or too closely linked with the series of other Zatoichi, of uneven quality. We can only advise to discover or rediscover the work of Misumi, for example through this film, a work that will cross the next centuries without hindrance, given its scope and artistic quality.


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