Forum - La Possibilité d'une île - Navrant, désolant, accablant
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Forum : La Possibilité d'une île

Sujet : Navrant, désolant, accablant


De Impétueux, le 16 septembre 2008 à 17:01
Note du film : 0/6

Oui, hélas, navrant, désolant, accablant et mon 0, s'il le pouvait serait encore plus sévère et se situerait largement au dessous de l'absolu !

Il faut bien dire, aussi, que je ne me faisais aucune illusion : depuis la sortie du film, il y a huit jours, je n'ai pas lu un seul mot, dans une seule critique qui défende, justifie, excuse ce monument d'inanité. Pas un mot dans pas une critique alors qu'on sait bien que les attachés de presse ont du talent pour obtenir des journaux que deux lignes, une expression, un adjectif, détachés de leur contexte, puissent permettre d'attirer le gogo.

Je suis allé voir, donc, La possibilité d'une île en toute connaissance de cause et j'ai assisté, dès les premières séquences à l'immédiate survenue d'un naufrage certain.

Pourquoi y être allé, alors, pourquoi avoir rejoint les cinq (5 !) autres spectateurs d'une assez grande salle du Quartier Latin ? Pas simplement par pur masochisme ! Sûrement par fidélité à un Michel Houellebecq que je tiens pour le meilleur et implacable observateur de la société occidentale épuisée, détruite par les valeurs de Mai 68 et touchée à mort par le libertarisme sans borne et l'individualisme débridé. D'ailleurs deux de ses précédents romans, Extension du domaine de la lutte (le plus riche en théorisation) et Les particules élémentaires (celui qui lui a donné la notoriété) avaient déjà été adaptés au cinéma, sans génie, mais avec une grande honnêteté.

C'est Houellebecq qui a lui-même réalisé l'adaptation de son dernier ouvrage, et qui l'a tourné ; dès lors, que dire ? il n'y a évidemment pas de trahison, il y a, il me semble, un grand constat d'impuissance (qui, lui, est vraiment masochiste) et une sorte de fascination pour un échec inévitable, mais déjà déterminé par les conditions particulières du projet : pour passer, en effet, d'un éditeur à un autre (de Flammarion à Fayard), Houellebecq a, en effet, exigé que le nouvel éditeur finance en grande partie la réalisation du film : il s'obligeait donc ainsi à l'exercice.

Et il était – forcément ! – plus aisé de tourner quelque chose d'hermétique et de creux (la vacuité se justifiant, en apparence, par la perte de sens du monde d'aujourd'hui) que de s'attacher à transcrire en images et en dialogues le malaise houellebecquien (comme pourtant s'y étaient efforcées les deux précédentes adaptations, notamment le film de Philippe Harel).

La possibilité d'une île est bien loin, d'ailleurs, d'être un bon roman, et Houellebecq y dérive largement, dans un amas de foutraqueries raëliennes (bizarre fascination du clonage, d'évolutions scientifiques, un peu comme la fin des Particules élémentaires – le roman -) ; mais il y avait, n'empêche, un paquet d'observations claquantes et douloureuses, notamment sur la littérale disparition, aux yeux de la jeunesse, de ceux qui ont dépassé l'âge prescrit (Au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable, comme l'écrivait dans un beau roman Romain Gary) : ceci était le meilleur d'un livre trop souvent incertain, et n'apparaît en rien dans le film…

Donc, amis, fuyez La possibilité d'une île qui ne vaut rien, moins que rien ; il y a une dizaine d'images de Lanzarote, , et, en additionnant, peut-être une minute, une minute et demie de vues frappantes de cette terre profondément inhospitalière ; c'est tout de même très très peu ; quand je pense que j'ai mis aussi 0/6 à la fois au Petit baigneur, à Out of Africa et à Mon curé chez les nudistes, tous films infiniment moins enquiquinants !


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De PM Jarriq, le 16 septembre 2008 à 19:44

Houellebecq va-t-il réussir à ravir le titre du romancier le moins doué en cinéma à BHL ? J'ai peine à le croire. La barre était haute… Mais je sens qu'il y a mis du sien.


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De Arca1943, le 16 septembre 2008 à 19:46

Et la malheureuse Arielle Dombasle est des deux avanies !


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De PM Jarriq, le 16 septembre 2008 à 20:08

Chercherait-elle à entrer dans le Guinness book des records ?


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De Khayyam, le 16 septembre 2008 à 21:18
Note du film : 0/6

«Pourquoi y être allé, alors, pourquoi avoir rejoint les cinq (5 !) autres spectateurs d'une assez grande salle du Quartier Latin ? Pas simplement par pur masochisme ! Sûrement par fidélité à un Michel Houellebecq que je tiens pour le meilleur et implacable observateur de la société occidentale épuisée, détruite par les valeurs de Mai 68 et touchées à mort par le libertarisme sans borne et l'individualisme débridé.»

Ecrivez vous… Cinq vous étiez donc cinq… Cela m'étonne de la part d'un participant à ce forum qui m'accusait récemment de ne m'intéresser qu'à un cinéma confidentiel…

Mais je vous rejoins sur la nullité de Michel Houellebecq un Monsieur qui a plusieurs fois frôlé un racisme antimusulman que je ne supporte pas.


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De Arca1943, le 17 septembre 2008 à 02:32

Je ne me ferai vraiment pas aimer, d'autant que je suis ici un peu idéologique, un peu borné quoi. Mais cet échec – que je n'ai pas vu et que je ne verrai pas – me satisfait profondément, je dois bien l'avouer. J'ai ce monsieur dans mon collimateur depuis Les Particules élémentaires, un ouvrage qui carbure au déterminisme biologique. Quand je dis 'carbure', s'il s'agissait d'une pure fiction, passe encore; mais c'est un essai autant qu'une fiction et donc, il s'avance sur le terrain des idées, où j'ai le droit de l'attendre avec une brique et un fanal. C'est une chose de décrire, de critiquer les excès "libertaires" – ceux de 68 ou d'autres – de spéculer par la fiction sur leurs conséquences; c'en est une autre de s'embringuer dans cette vulgate qui est une négation radicale de la liberté. Il m'est arrivé de haïr Zola – parfois injustement – pour des raisons pas si différentes, au fond. Ces histoires d'hérédité et de gènes sont à prendre avec d'immenses précautions. Mais bon, j'admets que c'est un problème de philosophie, pas de littérature. Relisons Benedetto Croce, mes frères, relisons Hannah Arendt ou même, tiens pourquoi pas, le généticien Cavalli-Sforza. Relisons Vercors et sa Sédition humaine. Ce n'est pas vrai que l'Homme est prédéterminé par la nature. Il échappe à la nature et c'est dans cette échappée que la liberté apparaît. Opinion qui ne fait pas de moi un libertaire, seulement un bon vieux libéral

Mais je m'égare : nous sommes loin du cinéma ! Peut-être faudrait-il effacer ce message ?


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De vincentp, le 17 septembre 2008 à 15:50

Le langage cinématographique est très éloigné du langage littéraire. Pour se lancer dans le cinéma, il fait avoir participer à des tournages et y avoir exercé des rôles modestes (assistant,…). Ou bien s'être exercé sur des micro-tournages de lycée comme le fit Spielberg. Ou bien avoir suivi un minimum de formation.

Vous m'impressionnez Arca avec votre érudition (Arendt…), moi qui ai surtout lu des bandes dessinées (Gil Jourdan, Alix…) et "le club des cinq" et des "Bob Morane", avec le célèbre commandant Morane et miss Paramount. J'encourage à ce sujet vivement un certain Yann Le Gall à s'intéresser de près à un de mes livres de chevet, à savoir, "le mystère de l'ile verte", paru à la Bibliothèque rose et écrit par Enyd Blyton.

http://www.crdp-toulouse.fr/docenligne/spip.php?article36


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De Impétueux, le 17 septembre 2008 à 19:30
Note du film : 0/6

A Khayyam : Si je me suis retrouvé presque seul pour voir La possibilité d'une île, ce n'est pas par goût d'un cinéma prétendument élitiste, mais parce que le film n'a aucun succès ; c'est assez différent.

Mais j'ai dû mal m'exprimer dans mon message initial : je peux supposer qu'à la base, lors des négociations préalables à l'écriture et à la production du film, Houellebecq souhaitait avoir le même succès public qu'il en a pour ses romans et que c'est devant l'impossibilité de transcrire son livre (parce que c'est extrêmement difficile, d'adapter et de tourner un récit !) et pour ne pas perdre la face qu'il s'est résolu à réaliser ce machin, ce qui est un terrible aveu d'impuissance.

Il aurait sûrement été mieux inspiré d'essayer d'adapter son précédent ouvrage, Plateforme, qui se serait mieux prêté à une scénarisation. Alors, naturellement, ça ne vous aurait pas plu du tout, Khayyam, parce que c'est à la suite de la polémique suscitée par ce livre, qui est effectivement extrêmement anti-musulman, qu'il a déclaré, dans le magazine Lire (je crois) : Et la religion la plus con, c'est quand même l'Islam.

Cela dit, il me semblait avoir été assez clair dans ce message alors que je crains que vous ne m'ayez pas compris, puisque vous écrivez : Mais je vous rejoins sur la nullité de Michel Houellebecq un Monsieur qui a plusieurs fois frôlé un racisme antimusulman que je ne supporte pas.

J'ai une immense admiration pour Houellebecq romancier, je le compte parmi un des grands chocs de ma vie littéraire (et croyez bien que j'ai beaucoup, beaucoup lu) ; qu'il ait raté son film n'a pas d'importance à mes yeux, pour la suite.

Et qu'il soit anti-musulman, encore moins. La bonne littérature et le bon cinéma n'ont rien à voir avec les bons sentiments ; nous en avons glosé dix mille fois ici ; si ses sentiments vous déplaisent, vous en êtes tout aussi libre qu'il est libre de détester l'Islam, non ?

A Arca : je vous sais particulièrement sensible à ces questions de déterminisme, qui me laissent, pour ma part, assez indifférent, et, à dire vrai, absolument incapable de défendre une position plutôt qu'une autre. Mais, bien sûr, ce ne sont pas les fariboles pseudo-scientifiques qu'il a beaucoup trop tendance  – et de plus en plus ! – à étaler dans ses romans qui me font apprécier Michel Houellebecq : c'est sa recension serrée des multiples causes de désespérance du monde d'aujourd'hui, c'est sa faculté à transcrire, grâce à une écriture sèche, rase, économe, la grisaille terrible des dimanches d'hiver dans les hôtels qui bordent les zones industrielles, c'est son talent pour reconstituer la médiocrité.

Ce pauvre petit film n'a aucun intérêt ; mais Houellebecq témoin de l'épuisement vital en a beaucoup.

Enfin… selon moi… Et personne n'est obligé de me suivre, Dieu merci !


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De Lagardère, le 18 septembre 2008 à 19:29

Je n'ai jamais ouvert un livre de Houellebecq, trés attristé par le personnage à la Dropy qu'il m'évoque dans ses intervieuws…Peut être ai-je eu tord..

Mais je voudrais, ami Impétueux, que vous m'expliquiez quelque chose : Vous applaudissez des deux mains quand un écrivain vous décrit avec talent ( et je n'en doute pas ) "la médiocrité" _c'est sa faculté à transcrire, grâce à une écriture sèche, rase, économe, la grisaille terrible des dimanches d'hiver dans les hôtels qui bordent les zones industrielles, c'est son talent pour reconstituer la médiocrité.- mais vous êtes au bord du malaise quand un cinéaste vous décrit très exactement la perversité des hommes dans les dérives de la chair : Salo….Comprends pas.


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De Impétueux, le 18 septembre 2008 à 19:58
Note du film : 0/6

Médiocrité et perversité, ami Lagardère ne sont tout de même pas choses synonymes !

La médiocrité, je la constate tous les jours, autour de moi : la médiocrité des vies (je ne parle évidemment pas de la médiocrité des gens : certains sont médiocres, d'autres non, là n'est pas le débat) : médiocrité d'existences grises, de vies dans de très lointaines banlieues, ou en province, qui obligent à se lever avant l'aurore, à courir pour placer les gamins chez la nourrice, à prendre un train bondé, un autobus bondé, un métro bondé, à occuper un emploi terne, avec de très minces possibilités de s'en échapper. Médiocrité de vies démolies par l'illusion de la passion, de pauvres filles qui, à chaque fois y croient, se font planter un gosse et se retrouvent battues, surendettées, avec des gamins camés.

Mais médiocrité, aussi – ne la confinons pas au populo !!! – de cadres moyens que leur stress professionnel, leur timidité, leur sale gueule parquent dans des appartements étriqués, dans une misère sexuelle profonde. C'est celle-là que Houellebecq décrit à merveille, et si vous ne devez lire qu'un seul livre de lui dans votre vie, lisez Extension du domaine de la lutte, et vous comprendrez ce que je veux dire.

La perversité, ce n'est pas, ou ça peut ne pas être de la médiocrité : c'est de l'outrance, une outrance monstrueuse, si l'on veut, mais une outrance qui fait vibrer, qui excite, qui exalte. Entre la grisaille obligée, entre de la pluie fine et interminable et la trouble saveur du violeur d'enfants, ou du tueur en série, on voit bien qu'il y a une différence profonde de nature…


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