Au tournage, il fait enchaîner les prises si bien que Robert Mitchum prend finalement Otto Preminger de côté afin qu’il lui dise exactement ce qui ne va pas. Hypocrite, Otto Preminger avance que la gifle n’est pas crédible, qu’elle ne fait pas vrai. Robert Mitchum le gifle alors violemment et lui demande si celle-ci était au point. Ou bien s’il veut qu’il lui en propose une autre ? Preminger réfléchit et décide que finalement il pourra se débrouiller avec les prises précédemment filmées… Robert Mitchum resta durant le reste du tournage l’ange protecteur de Jean Simmons.
Tout le paradoxe d’Otto Preminger se retrouve dans ce paradoxe. Il est le réalisateur hollywoodien à avoir brossé les portraits les plus complexes, les plus passionnants de femmes : Un si doux visage donc, mais également Laura, Carmen Jones. Comme si finalement il avait réussi à transformer sa misogynie en capacité à dépeindre les femmes sans romantisme, avec une cruauté à la fois froide et complexe.
Tout le film Un si doux visage repose sur le personnage féminin. Certes, Robert Mitchum y est parfait avec sa dégaine nonchalante, mais on lui doit surtout cette rare qualité de connaître sa place et en occurrence d’avoir laissé tout l’espace à une Jean Simmons qui était pourtant loin d’être une star. Diane Tremayne a tout d’un personnage de tragédie. Une sorte Phèdre. Portant parfaitement son prénom, elle passe d’une facette à une autre durant tout le film : vamp manipulatrice, folle déprimée, amante amoureuse, petite fille perdue. Impossible de réduire son personnage à une « ligne », sa complexité permet de dépasser le cliché de la folie dans laquelle elle se débat.Si la mise en scène est un peu trop pépère et manque aujourd’hui de rythme (seules les chutes de voitures sont étonnamment spectaculaires) la structure du film en trois parties est novatrice, chaque virage permettant finalement de changer d'histoire et d'éclairage sur le personnage principal. Active et manipulatrice dans la première partie, elle est totalement perdue et passive dans la seconde partie pour être finalement romantique et désespérément amoureuse dans la dernière partie.
Certains plans sont magnifiques : quand la caméra tourne en douceur autour du couple Mitchum – Simmons, au moment ou ils sont censés se séparer, donnant l'impression de deux êtres en totale fusion, malgré les quelques centimètres qui les séparent. L'image contredit alors les intentions annoncés du personnage masculin, qui veut quitter sa compagne. Et que dire de la scène ou Jean Simmons se rapproche du spectateur, comme une somnambule, avec des vêtements clairs, avançant lentement dans un couloir sombre. Et quelles sont les motivations des personnages principaux ? On n'en saura rien, leur psychologie restant nimbée de mystère.
Une succession d'images, de sons, juxtaposés à des idées, le tout soigneusement assemblé pour produire un ensemble qui n'appartient ni vraiment à une réalité observable objectivement, ni à un rêve. Pour bâtir tout simplement une belle oeuvre d'art soumise à l'interpétation subjective du spectateur, qui y introduit son propre psychisme.
J'ai longtemps gardé à l'esprit la scène finale du taxi, appelé par Frank Jessup, qui klaxonne en vain puisque personne ne l'attend plus.
J'avoue que c'est moi aussi la scène qui m'a le plus touché – Quelle fatalité entraîne irrémédiablement les deux personnages ! Mais il n'y en avait pas d'autre surtout dès l'instant où elle va revoir l'avocat afin de lui faire une déclaration de culpabilité irrecevable ! J'ai aimé ! Et merci à mon copain Jipi de m'avoir permis de le découvrir !
Un grand rôle pour Jean Simmons, au jeu très moderne.
A noter : Jean Simmons porte pendant tout le fim une perruque. Elle s'était fâchée avec Howard Hugues qui la considérait comme sa chose, et dans un accès de rébellion, s'était complètement rasé la tête ! Ce visage d'ange (Angel face) cachait effectivement un sacré tempérament !
Ce film démontre une fois de plus le talent de Preminger à créer des polars aux atmosphères troubles Whirlpool ou encore Laura qui contribueront largement à la réputation flatteuse du cinéaste viennois. D'ailleurs outre une oeuvre profondément lucide, Preminger restera un génial portraitiste des tourments purement féminins qui prendront souvent les traits de la sublime et mystérieuse Gene Tierney.
Cette inexorable plongée vers les abysses, que constitue ce lyrique et romantique Un si doux Visage, plaide encore pour le génie de Preminger à nous montrer les affres et les obsessions de Jean Simmons – dont la diaphane beauté tranche avec la noirceur du propos – soutenus de séquence en séquence par des partitions entêtantes de Dimitri Tiomkin.longtemps que je ne l'avais vu , moi qui suis un inconditionnel d'Otto Preminger, j'ai revu le film et avoue franchement avoir piqué du nez à plusieurs reprises et, en conséquence , ne suivant plus très bien le déroulement de l'action reprenant mes esprits quand Diane engage la marche arrière , que le véhicule part en trombe pour s'écraser dans le ravin après plusieurs tonneaux : hallucinant ! et le taxi qui arrive , le conducteur qui recherche en vain ceux qui auraient dû être ses passagers ! quel film !… un film que je me ferais un plaisir que de le faire découvrir à ma belle-fille rien que pour recueillir son ressenti !… Je l'avoue : "j'ai honte !"…
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