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Sujet : L'Amérique profonde, la vraie


De Arca1943, le 14 mars 2004 à 07:27
Note du film : 6/6

Appelons-le donc I Walk the Line, vu la stupidité du titre français.

Il y a une terrible authenticité, dans ce drame sordide et prenant, un joyau méconnu signé John Frankenheimer.

Après avoir vu ce film qui tire son titre d'une chanson de Johnny Cash, je me suis pris à écouter de temps en temps de la musique western, ce que je ne faisais jamais avant : je trouvait ça kétaine (ringard). Mais après I Walk the Line, ma perspective avait changé : pour une raison liée au réalisme. C'est que, en toute vraisemblance, c'est la seule sorte de musique que les habitants de ce coin perdu et minable des États-Unis connaissent, peut-être même la seule qu'ils ont jamais entendue de leur vie. Donc, s'il y a une bande sonore, ça peut seulement être cette musique-là.

I Walk the Line réussit à capturer quelque chose de la vie nord-américaine que j'avais cru jusque là intransmissible. Une Amérique étriquée, petite, reculée… "Profonde", comme on dit "France profonde". Il y a des coins du Québec qui ressemblent encore à ça, même aujourd'hui. La zone frontalière avec l'Ontario, dans le bout de Fort-Coulonge, par exemple… Maudit qu'on fait dur !

C'est vraiment terrible de voir ce sheriff vieillissant, à l'horizon bouché, s'amouracher bêtement de la fille post-adolescente d'un bootlegger qui a flairé son manège à cent pas et se sert de sa fille pour le manipuler. Ah, c'est trop con ! Et pourtant, c'est tellement vrai; ça sonne tellement juste. J'ai été captivé par ce film limpide et simple comme… ben, comme une chanson de Johnny Cash.

Pom pom pom…

On this side of the law

On that side of the law

Who is wrong, who is right

Who is for and who's against the law…?

Arca1943


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De Arca1943, le 14 mars 2004 à 16:31
Note du film : 6/6

Frankenheimer est un réalisateur très inégal, parfois inspiré, parfois beaucoup moins. C'est aussi quelqu'un qui me semble avoir perdu ses ambitions en cours de route. Heureusement pour moi, je ne suis pas très adepte de la théorie des auteurs, à laquelle je préfère la théorie du bon film. Birdman of Alcatraz est un classique éternel. Year of the Gun est un torchon inacceptable, qui empêche le spectateur qui y adhérerait de jamais comprendre L'Affaire Moro, voire l'Italie en général.

Mon coup de coeur pour I Walk the Line tient au fait que le cinéma américain s'aventure rarement sur le terrain du réalisme, du vérisme. Quand il le fait, c'est en général dans cette période-là : la première moitié des années 70. Sur ce plan, pour ce qui est de « prendre l'homme en filature », comme disait Zavattini, I Walk the Line est une réussite totale. Tout au long de ce film, je me dis, mi-jubilant, mi-accablé : Ah oui! C'est ça! Oh oui, c'est vraiment ça! Il y a vraiment une sorte de vie à la nord-américaine qui est prise en flagrant délit dans ce film, les culottes baissées même, et qu'on avait rarement vue au cinéma.

Pour éviter le mélodrame, Frankenheimer s'en est tenu à une mise en scène sobre, aussi effacée que possible, mais toujours attentive au détail significatif, avec à l'occasion des inserts qui confinent au regard anthropologique : quelques gros plans de ces vieux types qui se bercent à ne rien faire sur leur perron, en buvant leurs canettes de bière comme de l'eau… Il y a là tout un monde d'ennui, d'anonymat tranquille, de résignation aussi… Ce que Graham Greene appelait « la banlieue de l'univers »…

Pour décrire la réussite de certains films d'Antonio Pietrangeli (Je la connaissais bien, 1965) son scénariste Ettore Scola disait : « des films embarrassants pour qui les regarde ». Voilà. Pour moi, pour le nord-américain en moi, I Walk the Line est un film embarrassant. Je dois résister à l'envie de me cacher, quand je regarde ça. Pour moi, c'est vraiment trop la porte à côté pour être confortable…

Ce film de Frankenheimer a vraiment su attraper la réalité et la ramener dans ses filets. Et je lui en suis reconnaissant.

Arca1943


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De P-M Jarriq, le 14 mars 2004 à 17:59

Frankenheimer est en effet très inégal, capable du meilleur comme du pire (le monstrueux "L'île du Dr. Moreau"). Ses films avec Lancaster sont tous intéressants, "Les cavaliers" contient des moments exceptionnels, "Seconds" est fascinant et Lee Marvin a rarement été mieux dirigé que dans "Iceman cometh". En lisant le livre d'entretien paru aux U.S.A. il y a quelques années, on sent nettement le moment où le réalisateur a perdu pied, a commencé à tourner des films d'auteur hermétiques européens d'un ridicule achevé et peu à peu devenir un homme à tout faire. Un peu comme Werner Herzog qui s'est dissout après la disparition de Klaus Kinski, je pense que la séparation de Frankenheimer et de Lancaster a été fatale au réalisateur. Bien sûr, il a encore signé quelques oeuvres estimables (et "I walk the line" en fait partie, même s'il déplorait d'avoir dû engager Peck alors qu'il voulait Gene Hackman), mais l'après "The gypsy moths" n'a plus jamais eu la même force.


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De Manuma63, le 20 mai 2004 à 10:19

Passionné par l'oeuvre de John Frankenheimer, je recherche en vain depuis plusieurs mois le livre-interview que tu cites ici. Si tu avais une combine me permettant de l'obtenir, je serais très désireux de la connaître. Quant au Pays de la Violence, c'est effectivement, à mon goût, l'un de ses films les plus aboutis, à ranger aux côtés des Parachutistes arrivent dans son oeuvre.


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De PM Jarriq, le 20 mai 2004 à 17:25

As-tu essayé la librairie "Contacts", à Paris ? C'est là que je l'avais trouvé, me semble-t-il…


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De Manuma63, le 20 mai 2004 à 22:29

Merci du tuyau. Je crois connaitre l'endroit de nom. Je vais tenter de les contacter. Encore merci !


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De verdun, le 2 janvier 2021 à 12:41
Note du film : 5/6

Dans une petite ville rurale du Tennessee, le shérif Henry Tawes (Gregory Peck) maintient l'ordre avec un zèle particulièrement rigoureux. Il consacre son temps à la poursuite de Carl McCain (Ralph Meeker), un important trafiquant d'alcool. Côté vie privée, la relation avec sa femme (Estelle Parsons) est au plus bas. Toutefois, il finit par tomber amoureux de la fille de McCain (Tuesday Weld) et plongera du mauvais côté de la justice pour elle.

Le pays de la violence vient d'être édité luxueusement par Sidonis-Calysta. Une fois plus, on constate à quel point John Frankenheimer était un cinéaste ambitieux dans les années 1960 avant de rentrer dans le rang durant les décennies suivantes. Le pays de la violence date aussi d'une époque (1969-1970) où les grands studios hollywoodiens, au cas particulier Columbia, étaient encore capables de financer d'authentiques films d'auteur.

Le pays de la violence est à rapprocher du précédent film du cinéaste, Les parachutistes arrivent. Il s'agit dans les deux cas d'une chronique humaine, sensible et inspirée de l'Amérique profonde. Sur ce dernier point Arca me semble avoir dit l'essentiel dans ses messages précédents.

La façon dont le récit est mené peut déconcerter: pendant plus d'une heure le nombre de péripéties est des plus restreints. Puis tout s'accélère dans le dernier quart d'heure. Cependant on ne s'ennuie guère grâce à une réalisation vigoureuse et à une courte durée (97 minutes). De toute évidence Le pays de la violence a eu quelques soucis de montage, comme l'a affirmé Grégory Peck dans certaines interviews mais cela n'a pas suffi à amoindrir la puissance du film.

Le pays de la violence se distingue par une interprétation impeccable. Frankenheimer souhaitait Gene Hackman pour interpréter Henry Tawes mais la rigidité de Gregory Peck me semble en parfaite adéquation avec la droiture de ce personnage de shérif inflexible -en apparence seulement. La belle jeune femme qui mène l'homme mûr à sa perte est incarnée par Tuesday Weld, actrice remarquable injustement oubliée de nos jours. Les seconds rôles sont très bien tenus avec une mention spéciale pour l'imposant Charles Durning, adjoint très opposé au shérif Tawes.

Le titre original I walk the line vient de la chanson éponyme de Johnny Cash. La musique du célèbre artiste de country music est en symbiose avec l'observation de l'Amérique profonde.

Le pays de la violence a beau présenter des imperfections, son désenchantement hante durablement.


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De vincentp, le 3 février à 22:32
Note du film : 5/6

Peut-être inégal, mais nombre de séquences sont très réussies, et l'ensemble est excellent. Le blu-ray est une réussite qui met en valeur I walk the Line. Peck revêt les habits d'un individu légèrement perturbé façon Bravados. Des prouesses au niveau de l'image et de la bande son. Le Tennessee profond est palpable. On pense à Delivrance à venir par de nombreuses images assez proches.


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