C'est incontestablement un très bon film (le meilleur de ses auteurs ?), qui va peut-être récolter l'oscar du meilleur film de l'année dans quelques jours. Il en a l'envergure en tous cas : le scénario est solide et original (mais ne dévoilons rien…), le tout est bien filmé, et interprêté. Certains applaudiront au génie, d'autres (comme moi) apprécient mais avec des réserves : le mélange des styles (suspens pur, aspect mélo, humour noir) passe plus ou moins bien. Des rebondissements surprennent, dérangent. C'est peut-être le but, mais tout de même… Il y aussi des passages pas très clairs.

Mais j'ai bien aimé l'humour très noir. Et le début du film (quand le chasseur découvre le noeud du problème), très très bien filmé… La galerie de tronches locales est réussie et on perçoit la face cachée de l'ouest américain, loin des clichés : problèmes ethniques et sociaux, beuveries, misère, violence. On retient aussi que plus on est méchant, plus on réussit dans ce monde-là ! Les frères Cohen nous rappelent le grand Sam Peckinpah…

Moins emballé par ce film qui démarre très fort, maintient la tension jusqu'à son milieu, puis s'effrite lentement, jusqu'à devenir complètement soporifique, en particulier dans les scènes avec Tommy Lee Jones, bavardes, figées et pratiquement inutiles au déroulement du récit.

C'est brillamment filmé et cadré, l'humour noir propre aux deux frères, est efficace, et Bardem inattendu en terminator à l'horrible coiffure, mais les Coen radotent un peu, se montrent souvent complaisants, et leur fin en queue de poisson est plutôt frustrante et décevante. On est loin de l'inspiration de Barton Fink ou même de Big Lebowski.

La critique a souvent comparé No country for old men avec l'oeuvre de Peckinpah. La grosse différence, est que le cinéma de "Sam" était viscéral, celui des Coen est devenu maniéré.

Ma note se situe entre celle de Vincentp, qui a apprécié le film, mais avec des nuances sérieuses, et celle de Freddie D, qui a été déçu, surtout en référence aux œuvres majeures des frères Coen ; mais, pour être parfaitement sincère, je penche un peu plus vers le second que vers le premier, et mon 4 serait davantage un 3,6 si la chose était possible…

J'ai, comme Freddie D, l'impression que les idées excellentes du début (les premières images d'aube, d'aurore, de matinée sur la nature immense et indifférente du Texas sont vraiment superbes), que le rythme formidable donné à la mise en place des personnages (superbe scène de l'étranglement du jeune policier) patouillent et s'enlisent au fur et à mesure que le film progresse ; et je n'ai pas, , loin de là, frémi à la fin comme au début devant l'inquiétante dégaine d'Anton Chigurh (Javier Bardem, que je ne connaissais pas, et dont j'ai apprécié le jeu lourd, massif, marmoréen) et devant son inhumanité absolue… Je n'oserai pas tout à fait écrire que l'intervention de plus en plus fréquente du shérif Ed Tom Bell (Tommy Lee Jones) ne s'imposait pas vraiment et que le film eût pu être resserré, concentré par la poursuite menée par Chigurh, qui trouve bien du fil à retordre avec l'ingéniosité et le sens de la survie de Llewelyn Moss (Josh Brolin), mais c'est bien un peu ce que je pense, comme, je crois, Freddie D. Évidemment, dans ce cas là, le titre et le message qu'il sous-tend ne voudraient plus rien dire, mais qu'est-ce que ça peut faire ?

Maintenant, c'est vrai, il y a plein d'idées délicieuses et excitantes, comme, par exemple, la chasse menée par un Chigurh dans la ville presque déserte, le conducteur arrêté par Bell qui reçoit, sans avoir le temps de se rendre compte de quoi que ce soit, une balle en pleine tête, le pare-brise et les vitres qui éclatent, le sentiment de presque inéluctabilité qui prédomine… Ou, aussi l'artifice de Chigurh blessé qui, pour s'emparer sans se faire remarquer de divers médicaments et bandages dans une pharmacie, fait carrément exploser une voiture stationnée juste devant l'officine…

C'est bien, c'est rarement languissant, sauf à la fin, mais ça n'emporte pas tout à fait l'adhésion… ou, en tout cas, ça ne donne pas l'impression que ça restera comme un opus majeur…