Revu après plusieurs décennies, le film autobiographique de Pialat n'a pas pris une ride, et son parti-pris est d'un culot narratif assez insensé : ne raconter d'une relation amoureuse que les rencontres entre les protagonistes, et ignorer ce qui se passe entre. En gros, ils se séparent sur le quai d'une gare, et la séquence d'après, ils se retrouvent au retour. C'est étouffant, éprouvant même, car les personnages sont difficilement supportables : Yanne
en macho infantile, brutal, collant, odieux, vulnérable, et elle en midinette pas bien maligne, clairement maso, mollement révoltée. Pialat
filme exclusivement en plans-séquences, ce qui donne évidemment aux échanges, une rare authenticité, et crée souvent le malaise. Nous ne vieillirons pas ensemble
suinte tellement le vécu, qu'il met le public en situation de voyeur, et rend le spectacle à la fois fascinant, et un peu pénible. Malgré le côté "sur le vif" de son film, le réalisateur maintient tout de même une photo soignée tout du long, ce qui est surprenant, voire paradoxal. Jobert
est très bien, débarrassée de ses tics de comédienne, mais demeure sans surprise, et Jean Yanne
compose un personnage d'une richesse humaine inouïe, entre l'odieux et le pathétique. Un de ses grands rôles avec Le boucher
et Que la bête meure.
Ce film, tiré du roman auto-biographique de Maurice Pialat, est fascinant autant que dérangeant… Il rappelle à tout un chacun certains comportements "amoureux" contradictoires… L'appel et le rejet de l'autre intimement liés… tirer sur la corde jusqu'à ce qu'elle casse… faire supporter à l'autre le choix final de la décision… Un mal-être permanent où l'amour en tant que tel n'est pas en cause… seule sa traduction comportementale fait du héros un personnage psychologiquement faible…
Jean Yanne
était l'acteur rêvé pour interpréter ce rôle… Il a souvent donné de lui l'image d'une personne rustre et colérique (Cf/ses sketches sur le permis de conduire et l'accident de char)… Assez curieusement, il a refusé de monter sur le podium pour se voir remettre le prix d'interprétation masculine au festival de Cannes… Certains commentaires précisent qu'il était en conflit avec Pialat
sur la façon d'interprêter le rôle… jugeant la vision de Pialat
trop avilissante…
Reste un film profondément humain qu'il convient d'avoir dans sa vidéothèque.
Tiens, en passant, si d'aucuns doutaient du talent dramatique de Marlène Jobert, ils devraient revoir ce film où elle crève l'écran face au redoutable screen-eater Jean Yanne.
Les critiques américains avaient jadis comparé Jobert à Shirley MacLaine,
ce qui n'est pas idiot, surtout si on pense à des films comme The trouble with Harry
ou Comme un torrent.
Malgré tous les évidents défauts du jeu de l'actrice française – dont nous avons déjà parlé ailleurs ! – force est de reconnaître qu'elle n'a jamais été remplacée dans son emploi, et que même si elle n'a finalement pas tourné énormément, ses rôles dans Dernier domicile connu, Le passager de la pluie,
le film de Pialat,
Le bon et les méchants
et Les mariés de l'an II,
n'ont pas sombré dans l'oubli, quelques trente ans plus tard.
Je rejoins totalement Starlight et Pm Jarriq qui expriment ci-dessus des avis très pertinents et bien argumentés.
Nous ne vieillirons pas ensemble opère comme La Femme d'à côté
de Truffaut une vision à 360° degrés des tenants et aboutissants d'une relation amoureuse difficile. Le personnage interprêté par Jean Yanne est très complexe (mélange de douceur, de dureté, d'éléments contradictoires) et très éloigné des poncifs récurrents du cinéma actuel.
Mais il y a aussi la photographie -magnifique- (signée Luciano Tovoli), et la mise en scène -efficace à l'extrême- de Maurice Pialat. A ce sujet, on peut remarquer le crescendo de cette histoire très bien construite : un enlisement des personnages qui se quittent, se retrouvent, puis une issue qui se dégage petit à petit, inéluctable, comme un feu de cheminée venant à quitter le brasier dans lequel il s'est lentement consumé, pour se retrouver à l'air libre. Cette issue donne un sens à ce qui précède, met en perspective les événements initiaux de l'histoire, montre la gravité des erreurs commises par le personnage de Jean, souligne au passage comment et quand il peut être possible de stopper ce type d'incendie affectif si destructeur pour des individus.
Ce film est également intéressant pour une autre raison : il offre un vaste panorama de la vie en société au début des années soixante-dix dans l'hexagone, à Paris et ailleurs (Camargue, Marseille, par exemple), grâce à de nombreux extérieurs. On remarque par exemple la façade du "bon marché" (façade que l'on retrouvera dans Le garçu toujours de Pialat, vingt ans plus tard).
Près de 40 ans après sa sortie en salles, ce film demeure extrêmement moderne, par le sujet, le traitement cinématographique de celui-ci et il s'impose aujourd'hui comme un classique qu'il faut avoir vu absolument.
Anecdote savoureuse à propos de ce film. Jean Yanne et Pialat
se sont fâchés pendant le tournage…
Nous ne vieillirons pas ensemble est un film plus ou moins autobiographique puisque Yanne
interprète une histoire qui avait été vécue autrefois par Pialat.
Et cela n'a pas arrangé les rapports entre l'acteur et le réalisateur. Pialat engueulait Jean Yanne
parce qu'il arrivait le matin sur le tournage avec une chemise à carreaux, alors que lui n'en porte jamais. Et l'acteur ne se laissait bien évidemment pas faire !
En conclusion Jean Yanne refusera pour emmerder Pialat
d'apprendre les dialogues du film, et lors des multiples scènes entre lui et Marléne Jobert
dans la voiture on peut remarquer que Jean Yanne
baisse souvent les yeux, pour lire les dialogues qu'il avait collés sur une fiche en papier sur le volant.
Jean Yanne
a d'ailleurs affirmé que cela lui donnait un air triste.
Et bien sûr on se souviendra que lors de la remise des prix à Cannes, il refusera la palme d'or qu'on lui remis pour ce rôle.
Il est vrai que, même en regimbant fort, déjà je ne pouvais pas, fût-ce avec la pire mauvaise foi dont je peux disposer, prétendre que ce cinéma là était de la gnognote insignifiante ou de la prétention grinçante. Même si on ne veut pas tout de suite l'admettre, il y a dans Pialat quelque chose qui touche et qui remue. Comme dans un roman de Georges Bernanos (dont il a si magnifiquement adapté Sous le soleil de Satan)
, on a beau se débattre, il y a un moment où on est saisi de l'évidence de la Grâce.
On ne s'exprime pas, on ne bâtit rien – plutôt on n'a rien bâti – et on se retrouve dans le décalage amoureux qui conduit les hommes à s'accrocher toujours et les femmes à vraiment rompre. La relation des deux sexes n'est pas fabriquée de manière identique : de l'ordre du caoutchouc – ou du chewing-gum, si l'on préfère – d'un côté, de l'ordre de l'acier – ou de la porcelaine, si l'on veut – de l'autre (Maintenant que je m'aperçois que je t'aime, tu t'en vas !).
Maurice PialatComme on l'a dit, c'est étouffant et souvent désagréable tant on se sent comme propulsé dans une histoire lamentable qu'on est presque gêné de se trouver là, comme lorsque dans la rue, au restaurant, dans un train, n'importe où, on se trouve témoin d'une dispute dont on ne perçoit que les éclats et sûrement pas ce qui les a causés. Et pourtant on suit sans lassitude aucune ces incessants allers-retours, ces ni avec toi, ni sans toi qui s'éparpillent au fur et à mesure que le fossé devient gouffre.
Je ne sais si c'est PialatPhotographie magnifique ; un peu trop de son direct, à mon goût (et à ma vieille oreille). Et rythme, rythme, rythme : ce dont on a le plus besoin au cinéma.
J'ai dû mal m'exprimer, ou vous avez dû mal me comprendre, Nadine Mouk ; j'ai déjà vu pas mal de Pialat ; avec ceux que je cite, il y a eu aussi La gueule ouverte
et Passe ton bac d'abord.
Police
est, comme Van Gogh
sur mon étagère et je le verrai dans les prochains jours.
Si je fais abstraction des courts métrages, il me restera à voir L'enfance nue, La maison des bois
et Le garçu.
La filmographie du réalisateur n'est pas si étendue que ça…
Critique de Jean Yanne à propos de ce film recueillie dans une de ses autobiographies : C'est simplement l'histoire d'un mec qui se fait chier…
Jean Yanne ne s'est pas entendu avec Maurice Pialat
et son propos est d'une rare mauvaise foi. Le personnage est bien plus complexe que ça et c'est ce qui rend le film si véridique.
Je place Jean Yanne très clairement dans la liste de mes acteurs préférés. Je trouve d'ailleurs que l'on occulte, voire que l'on oublie quelle a été son œuvre. Personne n'aurait été meilleur que lui dans le rôle qu'il tient dans Que la bête meure.
Capable de jouer des personnages complexes il aura été aussi formidable dans Le boucher.
A y regarder de près les deux films qu'il a tourné avec Chabrol
sont les deux meilleurs films de son auteur.
Dans le domaine du divertissement, je l'aime bien dans Le saut de l'ange de Boisset
ou dans Laisse aller c'est une valse
de Lautner.
Puis lorsqu'il prendra un peu d'envol on appréciera son humour très particulier de Erotissimo
aux films qu'il a réalisés : Moi y'en a vouloir des sous,
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil
ou encore le méconnu et délirant Je te tiens, tu me tiens par la barbichette.
Sinon l'acteur pouvait jouer des vrais salopards aux airs patibulaires Armaguedon,
La Raison d'état
… Dommage que sa fin de carrière se soit terminée avec Belle maman,
Le Pacte des loups,
Gomez & Tavarès
etc. Reste également sa prestation en Laval dans le Petain
de Jean Marboeuf.
Globalement d'accord avec vous, Frétyl pour célébrer la qualité du jeu (et de la personnalité !) de Jean Yanne…
Au fait, vous oubliez parmi ses très beaux rôles, celui du chef de la sûreté Asselin dans Indochine de Régis Wargnier
…
Au fait, vous oubliez parmi ses très beaux rôles, celui du chef de la sûreté Asselin dans Indochine
Film que je n'ai pas vu pour le moment…
On oublie aussi généralement que Yanne satirique et caustique fut l'instigateur, voire le précurseur de ce qu'allait être Coluche
ou allait inspirer des émissions comme le Bebete Show.
J'ai lu quelque part que Yanne avait comme projet d'adapter la bande dessinée des Bidochon
pour le cinéma avec lui dans le rôle de Robert, si vous connaissez la bd. Hélas le projet se fera mais avec Serge Korber
à la réalisation et Stevenin
dans le rôle principal. Ce qui fut une véritable cata.
Jean Yanne était un grand !
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