Un monument du "nouveau" cinéma U.S., une figure des années 70, un roi de l'impro, stakhanoviste des tournages annuels, spécialiste des films de groupe, qu'il savait maîtriser comme personne. Le privé est peut-être sa plus indiscutable réussite, mais talonné de près par The player. Cette nouvelle prend par surprise, Altman faisait vraiment partie du paysage, à l'instar d'un Woody Allen ou d'un Eastwood. On avait fini par croire qu'il n'avait pas d'âge. Il a au moins laissé un héritier : Paul Thomas Anderson (Magnolia) dont les films ont tous des petits faux-airs altmaniens.

On peut aussi ajouter John Mac Cabe, Mash, Short cuts, Gosford park parmi ses réussites. Il a abordé tous les genres, sur un ton iconoclaste, et a contribué à la démystification du polar, du western, du film de guerre…, au début des années 70, avant de connaître un passage à vide au cours de la décennie suivante et de rebondir, avec une inspiration retrouvée, au début des années 90. Une belle filmographie au final.

Il est vrai qu'avec la disparition de Altman, c'est quasiment une époque du cinéma qui disparaît. Altman était dans le cinéma américain un peu ce qu'était Antonioni et Wenders (celui d'avant Paris-Texas) dans leurs pays : un réalisateur d'un cinéma qui n'était pas forcément celui de l'émotivité mais de l'intelligence et de la distanciation. RIP.

Altman : un véritable cas, une sacrée empreinte de grand qui est à redécouvrir. C'est le meilleur hommage que l'on puisse lui rendre. Il ne pouvait laisser indifférent le spectateur qui regardait ses films.

« Il a au moins laissé un héritier : Paul Thomas Anderson (Magnolia) dont les films ont tous des petits faux-airs altmaniens. »

Certes Magnolia a son originalité propre, mais c'est bien vu. Mais avant cela, il y a eu un successeur, disons, intermédiaire : Alan Rudolph, surtout avec ses deux premiers films, que j'ai trouvés très bien : Welcome to L.A. et Remember My Name.

Pour en revenir à l'Altman de première main, le seul, l'unique, je crois que ma préférence va à celui des débuts : McCabe & Mrs. Miller reste ce que j'ai vu de plus renversant de sa part, mais j'ai eu de très forts coups de coeur pour le réaliste Thieves Like Us et l'hypnotique Three Women. Le méconnu Images, produit en Irlande, est aussi un sacré film. Il y a une poésie dans les films d'Altman de ces années-là que je ne retrouve plus que sporadiquement par la suite… disons à l'occasion, dans Come Back to the Five and Dime, Jimmy Dean, par exemple (photographié par mon compatriote Pierre Mignot !). L'autre pan de l'oeuvre qui m'a séduit, la série des films choraux inaugurée par le magistral Nashville et couronnée par The Player est évidemment passionnante et ce sont de véritables tours de force cinématographiques, mais c'est déjà tout autre chose, ça s'en va dans une autre direction… La musique envoûtante de la première décennie est restée pour ainsi dire prisonnière des seventies : le prolifique bonhomme s'en est ensuite détourné, il est passé à autre chose, s'est essayé à la comédie, à la BD (Popeye, il fallait le faire, quand même !), s'est adjoint une veine "théâtre filmé"… En tout cas, moi qui entretient une (coupable?) préférence pour les réalisateurs foisonnants au risque d'être inégaux à ceux qui ne se commettent qu'à coup sûr une fois tous les cinq ou dix ans (comme Kubrick, Pontecorvo…), eh bien avec Robert Altman, je suis servi : dans les différents bulletins de nouvelles qui rapportaient aujourd'hui sa mort, pas un ne lui attribuait le même nombre de films !