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Sujet : Une réhabilitation méritée ?


De verdun, le 9 avril 2006 à 16:44
Note du film : 4/6

Je me trouve un peu dans une situation "embarrassante".

En effet, c'est moi qui ait insisté auprès de notre webmaster bien aimé pour enfin installer la fiche de ce dernier Visconti.

Mais de l'autre côté, je dois avouer que je reserverais à ce film l'accueil que la critique a réservé à ce film: un accueil plutôt tiède.

En effet,ce film est le seul Visconti avec lequel j'aie du mal. Je trouve le récit vraiment plat, très loin de la richesse des DAMNES ou du GUEPARD. Comme les critiques l'ont observé à l'époque, il est bizarre que le communiste Visconti ait adapté un romancier réactionnaire: sans doute voulait-il être ironique et souligner justement l'emphase de cette histoire dans le jeu des acteurs par exemple et dans des situations parfois ridicules.

Sans doute est-ce pour ceci que les acteurs sont utilisés à contre-emploi: si Giannini a du talent, il me paraît loin de Alain Delon, Dirk Bogarde ou Helmut Berger; Laura Antonelli est très aimée à juste titre et s'en sort bien ici mais est sans doute moins adaptée au rôle que Charlotte Rampling, Dominique Sanda ou Romy Schneider qui étaient pressentis pour ce rôle difficile. D'ailleurs, ce qui est bizarre c'est que comme ses collègues Samperi ou Festa Campanile, Visconit ne résiste pas au plaisir de déshabiller l'un des plus beaux corps de l'histoire du cinéma.

Les remarques que je fais sur ce film sembleront bien sévères mais j'en profite pour les atténuer se suite en mettant un 4 et en votant pour la réédition de ce film car:

1° Je m'apprête à re-visionner ce film et mon avis sera sans doute moins sévère que pour la première fois.

2° Ce n'est pas un film "aimable" donc ma réserve ne vient pas tant de la qualité du film que de son matériau.

3° Le film est en voie de réhabilitation avancée et je me laisse prendre dans ce courant

4° Un Visconti même mineur est incontournable.

Il n'empêche que L'INNOCENT me paraît décevant après un film testamentaire aussi fort que VIOLENCE ET PASSION et que l'on ferait sans doute mieux de réhabiliter le méconnu SANDRA de Visconti ou certains films de Bolognini- comme L'HERITAGE,paru la même année, même si je sais que notre cher Arca n'aime pas beaucoup ce dernier ou LA DAME AUX CAMELIAS.

  
 

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De Arca1943, le 9 avril 2006 à 17:39
Note du film : 2/6

« Il est bizarre que le communiste Visconti ait adapté un romancier réactionnaire: sans doute voulait-il être ironique et souligner justement l'emphase de cette histoire dans le jeu des acteurs par exemple et dans des situations parfois ridicules. »

On ne prête qu'aux riches ! Il n'y a pas, hélas, la moindre ironie dans L'Innocent. Ce qu'il faut comprendre, c'est moins que Visconti est communiste et D'Annunzio, fasciste : c'est plutôt qu'il existe un dannunzianismo de droite et un dannunzianismo de gauche. L'enflure grandiloquente du film est bien celle de Visconti. Le ridicule involontaire aussi.

Il est dommage que la théorie des auteurs continue encore de nos jours d'avoir le dessus sur la théorie du bon film. Le cinéma est un art d'équipe et par nature un art inégal. Ce n'est pas parce qu'un film porte une signature prestigieuse qu'il en est meilleur ou plus intéressant. Ce n'est pas parce qu'un film est réalisé par un réalisateur classé "artisan" que ce n'est pas un chef-d'oeuvre. L'obsession très littéraire (très française?) pour classer les films par auteur a eu du bon, c'est indéniable, mais elle a aussi de sérieuses limites. Donc, les "efforts" pour réhabiliter un mauvais film (car c'est vraiment un mauvais film) sous prétexte qu'il est signé Visconti me sont, en somme, passablement antipathiques.

Une chose est sûre : à cet Innocent ampoulé et emphatique, où Giancarlo Giannini prouve qu'il est un grand acteur en réussissant malgré tout à se débrouiller dans un rôle impossible, je préfère de loin Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas tourné l'année précédente avec la même Laura Antonelli. Ce jeu de massacre très divertissant, proche de certaines satires de Germi, n'est sans doute pas le meilleur Comencini – entre autres parce qu'il n'y pas d'empathie possible avec les personnages, qui sont des pantins grotesques – mais il a le mérite de passer le dannunzianismo à la casserole et ce faisant, de faire toucher du doigt en quoi il consiste, avec un sens très précis de l'histoire des mentalités. Voilà en tout cas un film qui mériterait d'être réédité bien avant L'Innocent.


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De vincentp, le 27 février 2012 à 23:01
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Un portrait de l'aristocratie, objet tout à la fois de fascination et de rejet. Visconti alterne ces deux regards parfois dans la même séquence : marxiste, quand il décrit les ambiguités de ce milieu social (guindé, arriéré, exploitant sans vergogne des domestiques), et conservateur quand il montre la grandeur culturelle et artistique liée à ce milieu (voir les statues et portraits issus du passé). La cantatrice, face à laquelle les aristocrates font mine de se distraire (comme dans un reportage de Gala), porte en elle ces deux aspects.

Il se trouve que le regard de Visconti croise le mien, d'une certaine façon, sur ce monde déphasé. Il y a peu, j'ai passé quelques jours dans un hôtel cinq étoiles bruxellois, accueilli dans l'entrée par le portrait du roi et de la reine de Belgique, et des valses viennoises. La salle de bains était gigantesque et d'un luxe inouï. Un petit déjeuner gargantuesque avec serveurs en costume autour de moi. Mais l'hôtel était quasi-vide : la rue étant tombé en décrépitude, il y a désormais en face de ce palace une ribambelle de sex-shops. L'aristrocratie européenne n'a plus les moyens de ses ambitions.

La mise en scène de L'innocent est absolument magnifique, mais idem pour la photo (Pasqualino de Santis), les costumes, les décors, la musique ; et le scénario (encore une grande réussite de Suso Cecchi d'Amico) aborde tout un tas de sujets connexes (la création artistique, les rapports entre la morale et la religion…). Un scénario légèrement conceptuel, il faut le reconnaître, qui fait que ce film n'est pas très facile d'accès. A déconseiller à monsieur et madame Duchmol !

L'innocent est un très grand film à mon avis (je le classerais parmi les meilleurs films européens des années 1970). Un pur régal pour l'esprit… Et je pense que l'on peut apprendre le métier de réalisateur en ne regardant que les films de Visconti.


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De vincentp, le 9 novembre 2017 à 17:43
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Revu cette après-midi (j'ai posé un jour de congé exprès) sur grand écran, et c'est un sacré film ! A mon sens le meilleur film de Visconti avec égalité avec Le guépard, simplement plus difficile d'accès que la palme d'or à Cannes en 1963. L'Innocente (1976) représente la quintessence de fond et de forme du cinéma de Visconti. L'aristocratie est présentée en tant que concept comme un drame, car contraire à des principes fondamentaux de l'espèce humaine. Cette forme de gouvernance de la société produit des êtres instables et névrosés, mais aussi des individus instruits, maîtrisant les arts et la science (ici la littérature, pour le guépard l'astronomie).

Visconti est un exceptionnel directeur masculin, les nuances sur le visage du personnage principal (le rôle de sa vie pour Giancarlo Giannini) conduisent de façon magistrale le récit. Et puis il y a la beauté plastique de chaque plan, le travail sur le cadre, l'éclairage et les couleurs, la fluidité de la conduite du récit, des dialogues étincelants, porteurs d'une vision du monde élaborée et complexe. Gros travail sur la musique, les effets sonores (crépitement du feu dans la cheminée) pour créer des émotions, un effet réel. Un plaisir pour le cinéphile d'aujourd'hui, une clé d'accès au savoir absolu. Voici un chef d'oeuvre tout aussi absolu…


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