Rôle poignant et inattendu pour Jean Gabin, puisqu'il incarne dans ce mélodrame un (néo) aveugle. En effet, suite à un dramatique incident sur sa locomotive, ce cheminot quadragénaire perd la vue et doit réapprendre un tout nouveau style de vie. La remise de la Légion d'Honneur pour son abnégation, apparaissant évidemment pour lui comme un détail. Ainsi, il se voit embrigadé dans un centre pour non-voyants, dont le directeur, Gérard Oury (Le Corniaud, La Grande Vadrouille) et l'un de ses patients, Jacques Dynam (sous-fifre de De Funès dans les Fantômas) sont encore aux prémisses d'une future belle notoriété. Mais plus essentielle sera la rencontre du professeur de braille, Mlle Louveau (Simone Valère), dont la tendresse parviendra à redonner progressivement goût à la vie du nouvel interne, et pour le spectateur, à mieux saisir les particularités de ce milieu si complexe. Une corporation de 25.000 au moment du film – nous sommes en 1951 -, soit tout juste la moitié du dernier recensement en France.
Étonnement oublié, « La nuit est mon royaume », film qui reçut par ailleurs un prix à Venise pour l'éblouissante prestation de Gabin, doit-il craindre un jour, pour son merveilleux sujet, sa mélancolie et une compassion digne de la « Cage aux Rossignols » (qui inspira récemment « Les Choristes »), un énième remake pour ré-exister un temps soit peu ? En tout les cas, ce film est à …(re)voir absolument.
Un thème souvent abordé au cinéma, de belle façon (La fiancée de Frankenstein, Les lumières de la ville,
Miracle en Alabama,
Terreur aveugle,
Parfum de femme,
Zatoichi
…).
Dans le voyeur, chroniqué par ailleurs, Powell montre, au travers du personnage de la mère aveugle, les capacités étonnantes dont ceux-ci sont capables (ayant sur-développé d'autres sens, notamment auditifs). L'aveugle incarne souvent au celui au Cinéma qui SAIT : il passe sa main sur le visage du héros et il nous dit si celui-ci est bon ou mauvais, ou les deux (comme dans le voyeur).
Mais il peut être lui-même élément moteur d'une intrigue mélodramatique (ex : le secret magnifique)
perdant la vue puis la retrouvant, à la faveur des progrès de la médecine. Ou encore il est au centre d'un plaidoyer en faveur du droit à la différence, tel le film Miracle en Alabama
de Arthur Penn.
Ah que c'est bel et bon un vrai mélodrame qui croit à son propre discours et n'hésite pas à en faire des tonnes dans le pathétique et la noblesse des sentiments !
Voilà une histoire bien menée ou le cheminot Raymond Pinsard (Jean Gabin) perd la vue à la suite d'un accident où il a montré courage, dévouement, altruisme et détermination.
Et tous ces braves gens qui l'aiment savent aussi que Raymond vit sur l'illusion : il ne retrouvera pas la vue ; on va le pousser à fréquenter un centre de rééducation dirigé par l'assez pincé Lionel Moreau (Gérard Oury) assisté par une religieuse, maîtresse femme, Sœur Gabrielle (Suzanne Dehelly)
, elle-même en train de s'enfoncer dans la nuit : on voit par là que l'intrigue ne recule devant aucun ressort dramatique.
Comme le film est beau et moral, il y aura une idylle émouvante entre la jolie Louise Louveau (Simone Valère) et Pinsard, à peine compromise par Lionel Moreau (Gérard Oury)
qui, d'ailleurs n'est pas si méchant que ça et qui semble le plus triste de tous…
J'ai l'air de me moquer, alors que je m'attendris devant ce bon film des samedis soirs de jadis…
On peut faire un singulier rapprochement, soit dit en passant, entre le sort de Pinsard, le conducteur de locomotive fauché en plein été de son bel âge et ce que vivait le véritable Gabin en 1951, dont la carrière immense avait été stoppée net par la Guerre et qui paraissait être tombé dans une cale sombre, malgré de grands films (Au delà des grilles,
Le plaisir)
ou de très bons films (La Marie du port,
La vérité sur Bébé Donge).
Et puis enfin Touchez pas au grisbi
: il est revenu au plein soleil et ne le quittera plus jamais.
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