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Forum : Carnet de notes pour une orestie africaine

Sujet : Critique


De dumbledore, le 26 décembre 2002 à 00:00

Tourné en 1970, ce Carnet de notes pour une orestie africaine est un objet cinématographique étonnant. Pas vraiment une fiction, pas vraiment un documentaire. Ce serait plutôt un film expérimental. Moins dans la forme que dans le fond : un réalisateur se bat souvent pour réussir à rendre clair ce qu'il veut dire dans telle ou telle histoire. Alors au lieu de se prendre la tête, Pasolini semble proposer tout simplement de dire simplement et surtout directement (c'est-à-dire à la caméra) ce qu'on veut dire.

Au lieu de montrer un film qui frôlerait avec le propos de l'auteur, voilà un propos qui frôle avec un film… Le monde à l'envers en somme…Ainsi, l'Orestie dans son histoire occupe quelques minutes du film. Le reste est consacré, par l'intermédiaire de la voix off, à ce qu'aimerait dire l'auteur dans son film : la place cruciale de cette pièce dans l'histoire de la Grèce, l'ouverture de l'Afrique des années 60/70, à la démocratie. Tout est dit clairement et directement.

L'Orestie africaine n'a jamais été filmée. (Devait-elle d'ailleurs l'être ?) Heureusement d'ailleurs car finalement à la sortie de ces Carnets de Notes, le film existe pourtant en fonction de ce qu'on aura entendu et vu, à travers tout ce que nous aura expliqué le réalisateur.

La mise en scène s'inscrit de plain pied dans les années 70 avec la liberté des caméras, des micros (plus légers permettant ainsi d'aller un peu partout, surtout à l'extérieur des studios) et surtout des sujets. Les prix des films ayant également baissé, cela permet aussi une créativité narrative. C'est le cas ici, avec deux moments assez étonnants. D'abord l'intervention, à Rome, d'étudiants africains qui visionnent et surtout commentent ces notes et apportent un regard de connaisseur sur une vision d'un néophyte. Seconde chose étonnante : un passage de plusieurs minutes purement musical, parachuté sans vraiment de raison au milieu du film… Etonnant tout cela, et surtout drôlement efficace.


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De Impétueux, le 6 novembre 2013 à 18:35
Note du film : 0/6

Étonnant tout cela, et surtout drôlement efficace, écrivait il y a dix ans et plus notre respecté et disparu Dumbledore (qui ne se risquait pas toutefois à donner une note). Étonnant, j'en suis tout à fait d'accord. Mais efficace ! une sorte de magma narcissique, discordant, à la fois ampoulé et puéril qui jette une douche froide sur l'intérêt tout nouveau que je portais à Pasolini après avoir vu, sur le même DVD, Mamma Roma, de facture infiniment plus classique.

Carnet de notes pour une Orestie africaine est une sorte de brouillon expérimental (de ce point de vue, le titre ne raconte pas de salades : ce sont vraiment des notes jetées en tous sens), un brouillon qui tourne en brouet, en gloubi-glouba où personne ne retrouve ses petits : il y a l'évocation de la mythologie grecque, que le réalisateur voudrait transposer en Afrique (ce qui, à la limite, peut se concevoir), il y a un lourd discours politique empli de toutes les fumées du gauchisme tiers-mondiste des années 70, il y a un moment incongru, physiquement éprouvant où un fou furieux doté d'un saxophone déchire nos tympans, accompagné d'une psalmodie incompréhensible d'un homme et d'une femme. Il n'y a rien sur quoi on puisse s'appuyer, pas un mot, pas un regard, pas une image qu'on pourrait conserver.

Ce ne serait pas grave si précisément Pasolini avait gardé par devers soi cette sorte d'aide-mémoire filmé ; après tout, pour préparer un roman, un essai, un tableau, on est tout à fait libre de confectionner une esquisse comme on l'entend et sous la forme la plus propice. Mais présenter au public ses propres gribouillis est tout de même assez gonflé : il faut laisser ça – et le plus possible post mortem – aux spécialistes qui publient ce qu'on appelle des éditions savantes, celles où le moindre changement de virgule dans un paragraphe est traqué et fait l'objet de gloses savantes pour happy few. Mais en aucun cas – c'est une affaire de bon goût – venir montrer ses petites crottes en clignant de l’œil de façon complice, du type Z'avez vu comme ça carbure intelligemment dans mon ciboulot ?.

Tout ça se passe dans un contexte politique précis : celui des vagissements des nations africaines décolonisées, qui se remettaient immédiatement sous un autre joug colonial, celui des puissances communistes ; en l'espèce la Guinée de Sekou Touré se tournait vers la Chine ; des tas de gogos songeaient alors que la vigoureuse Afrique était grosse d'une révolution mondiale. On voit aujourd'hui ce qu'il en est… Les jeunes Africains conviés par Pasolini à la fin pour commenter sa bouillie ne rêvent que d'une chose, c'est visible : prendre le pouvoir pour piller leur pays au profit de leur tribu ou de leur ethnie. Et pendant ce temps le cinéaste s'excite sur la Révolution en marche en illustrant son film par le vieux chant révolutionnaire La Varsovienne. Par on ne sait quelle ironie de l'Histoire La Varsovienne est la musique du chant de marche d'un des plus glorieux régiments de l'Armée française, le 1er régiment de hussards parachutistes, les hussards de Bercheny dont le parcours est tout, sauf révolutionnaire…


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De Arca1943, le 7 novembre 2013 à 17:42

Allons, ne jouez pas à l'innocent, Impétueux, vous deviez bien vous douter qu'avec un tel titre, vous alliez tomber sur ce genre de film ! Carnet de notes pour…, ah là là. Pensum d'auteur en vue ! Si je publiais un livre intitulé Carnet de notes en vue d'un roman, j'espère bien que vous ne le liriez pas ! J'admire votre décision de ne pas jeter la serviette avec Pasolini, bravo, vous ne vous tenez pas pour battu. Mais de là à tout essayer sans discrimination… ! Je vous conseille soit ses tout premiers films – avant l'intéressant Mamma Roma il y eut aussi Accatone qui est quand même tout un film – et puis je vous fourgue aussi mon Pasolini préféré, Des oiseaux petits et gros avec Totò, au moins pour le générique chanté (sic) et mis en musique par Ennio Morricone), évidemment si ce n'est déjà fait, son magnifique Évangile selon Matthieu, et le malin et coquin Décameron (premier volet d'une trilogie qui va en descendant d'un épisode à l'autre: Les Contes de Canterbury est déjà moins bon et Les Mille et une nuits de même). Et enfin, dans le sillon Pasolini pur et dur, vous devez au moins tâter – à vos risques ! – du fameux Théorème. Au moins l y a la Mangano dedans, si vous vous ennuyez, elle vous fera paraître le temps moins long…


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De Impétueux, le 8 novembre 2013 à 13:52
Note du film : 0/6

J'avoue sans gêne qu'il ne me serait pas venu à l'esprit de regarder un film avec un tel titre que Carnet de notes si cet exercice de style ne s'était trouvé sur le même DVD que Mamma Roma ; mais puisque j'avais les deux films sur la même galette, je me devais de voir l'un et l'autre film, qui ne sont pas du tout au même niveau de discours.

Je suis si peu réticent à recommencer des expériences pasolinienes que je viens d’acquérir L'Évangile selon saint Matthieu que l'on me dit (vous, entre autres) fort beau et intelligemment spirituel. Je ne dis pas qu'Accatone ou Uccellacci e uccellini….

Pour le reste, je verrai un peu plus tard si Dieu me prête vie…


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De spontex, le 8 novembre 2013 à 14:57

J'ai tenu 15 minutes devant L'Évangile selon saint Matthieu, ce qui fait peut-être de moi un mécréant. Je recommande aussi le Décameron, sans doute le plus accessible des Pasolini !


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De Arca1943, le 8 novembre 2013 à 23:54

«J'ai tenu 15 minutes devant L'Évangile selon saint Matthieu.»

C'est sûr que c'est dans le très, très austère ! Mais dans le contexte et à l'époque où j'ai vu ce film, le contraste avec les superproductions en Technicolor à la Roi des rois m'a fait écarquiller les yeux. La transposition dans les paysages désolés de l'Italie ne faisait que souligner la transposabilité, donc «l'universalité du message évangélique», comme l'appellent les chrétiens.


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