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Sujet : Polar nerveux et rythmé de Samuel Fuller


De dumbledore
Note du film : 6/6
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__"Are you waving the Fly off me?"__

Quand Samuel Fuller écrit et réalise Le port de la drogue, les grands studios ont signé la charte anti-communiste. Il est de bon ton de "casser du rouge". L'espion allemand, nazi, ou bien japonais des films de la Seconde Guerre mondiale sont passés de mode. En se refroidissant, la guerre a fait rougir le méchant qui devient dorénavant l'espion communiste.

Pour la fox, Samuel Fuller signe un film anti-communiste. Tout est là : l'espion communiste, la jeune femme naïve et manipulée (entendez par là : il faut rester sur vos gardes pour ne pas vous faire infecter) qui ouvrira les yeux sur sa situation et le héros qui va agir pour le bien de la Nation. Tout est là, mais passé devant la caméra de Fuller, tout s'effrite. L'espion communiste ressemble à un stéréotype sans consistance, presque une figure de rhétorique sans intérêt car sans substance. La jeune femme change de camp, mais ne meurt pas comme il se doit pourtant, et surtout le héros refuse lui d'agir pour la patrie. Le Drapeau Américain ne l'excite pas. Sa seule motivation, c'est la sienne, le reste n'est que blabla et manipulation. Il ne mange pas de ce pain là, il ne semble même pas croire à cette menace rouge dont pourtant la police et le FBI lui ressassent les oreilles. S'il agit contre l'espion, c'est uniquement par vengeance : l'espion a eu la mauvaise idée de violenter celle qui deviendra sa petite amie.

Le personnage de Skip voit se concrétiser en lui tout ce qu'on peut trouver d'un personnage Fullerien : c'est un individualiste, un type intelligent sans être cultivé, mais possédant l'intelligence (c'est-à-dire la compréhension) du monde qui l'entoure. Impossible donc pour lui de marcher dans la combine de l'anti-communisme. Richard Wydmark trouve dans ce rôle un des ses meilleurs personnages. Son jeu distant, toujours sourire en coin, comme s'il maîtrisait toujours tout est fascinant.

Ce qui intéresse Fuller ce n'est évidemment pas la dénonciation communiste (à laquelle il ne semble pas croire), mais une description de deux mondes qui s'opposent. D'un côté le monde de la police, un monde établi, reconnu, qui est à la fois violence (le flic a sans doute tabassé plusieurs fois Skip) et manipulation (le type de la CIA agite le Drapeau sous le nez de Skip), un monde qui est sûr de ses assises et qui ne cherche pas à intégrer ceux qui lui sont étrangers.

Ces étrangers, il y en a trois dans le film. Skip, la jeune femme et surtout Moe, une vieille indicatrice, personnage subtilement écrit et magnifiquement joué. Elle vend des cravates, mais vend surtout des infos à la police (elle vend ainsi l'info à la police sur Skip, qui le tolère parce que ça fait partie du jeu). Elle n'a qu'une motivation: pouvoir se payer sa place au cimetière. Elle économise pour ça. Lui, c'est donc un pickpocket qui a fait déjà trois fois de la prison et qui pourtant recommence ses vols. Elle c'est une prostituée qui va à droite et à gauche en fonctionnant du vent qui la pousse.

Ces trois personnages sont les laissés pour comptes de la société, une sous-société dans la société officielle. Ils ont leurs règles, leur fonctionnement et Fuller par ce film semble nous montrer que finalement la politique internationale des Etats-Unis est finalement bien loin de ces gens, soucieux avant tout (et avant la menace rouge) de pouvoir manger, survivre.

Fuller donne à ce film une mise en scène sublime. Très sobre dans les moments calmes, très resserré sur les personnage (notamment Moe qui semble le toucher particulièrement), il sait être particulièrement violent quand il le faut. Les deux scènes de bagarre (l'espion et la jeune femme d'un côté et la bagarre finale ensuite) sont d'une modernité étonnante. La lumière, la rareté de la musique et le scénario, tout cela fait de ce film un bijou du cinéma.


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De Moonfleet, le 16 mai 2003 à 19:10

Peut être le plus beau film de Samuel Fuller. Richard Widmark est égal à lui même, Jean Peters toujours aussi belle et la nervosité de la mise en scène conjuguée à un scénario de premier ordre rempli de seconds rôles inoubliables font de ce film une perle noire du polar.


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De Moonfleet, le 19 mai 2003 à 09:58

et pourtant, ça ne change rien à la nervosité et à l'émotion de ce polar  ;-)


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De ttl, le 7 août 2004 à 16:36

Film trop anti-communiste pour la France de l'époque, toute l'histoire d'espionnage politique est détournée au profit d'un contexte totalement différent "drogue-mafia crapuleuse"…(Il faut voir les versions originales et en français pour être vraiment sidéré!) Fuller utilise purement la chasse aux sorcières comme toile de fond journalistique? Fort probable compte-tenu de son expérience dans ce domaine. Fuller prend position et nous assène sa vérité politique ? Peu probable quand on voit ses interrogations perpétuelles sur l'Humanité et ce qui la dirige. Fuller nous interroge sur l'impact que peut avoir sur chacun de nous et de notre action le milieu politique, social, affectif qui nous oppresse et nous empêche d'accéder à notre liberté individuel ? En tout cas, bien connaître l'auteur permet de bien apprécier l'oeuvre.


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De Tamatoa, le 8 mai 2012 à 02:35
Note du film : 5/6

Oui, evidemment… Je reconnais que ce cinéma là mérite le nom de "bijou". Quelle fluidité, quelle clarté ! Je ne suis pas très Polar noir Américain, mais il faut admettre que ce Samuel Fuller est un sacré chef d'orchestre ! Et puis tous ces personnages, sans exception, sont tellement fouillés, humains jusqu'à la moelle, criants de solitude. Cette mamie balance, Thelma Ritter, m'a scotché. Et c'est presque curieux de ne pas voir Richard Widmark, un Colt Single Action Army en pogne, entouré d'Indiens ! Mais le côté anecdotique du pickpocket lui va bien. Jean Peters, elle, n'a que sa beauté et fait des va et viens entre le devoir, le profit et l'amour. Elle est magnifique. Elle va mener son désir de femme là où elle veut le voir, ailleurs que sur le trottoir, puisque apparemment, elle a vu la lumière au bout de son tunnel à elle, à travers la complexité d'une histoire politique qui la dépasse. Les trois paumés trouvent la délivrance, d'ailleurs. De quelque forme que ce soit. Et c'est ce qui est étrange aussi : vu le côté noir du film et de son sujet, on ne penserait pas que tout se termine comme dans La petite maison dans la prairie. Pourtant si… J'ai vraiment beaucoup aimé la façon dont ce film est traité, qui nous force à nous demander, entre autre, si ces personnages qui virevoltent dans une espèce de crasse sociale ne sont pas plus propres que ceux qui les pourchassent au nom d'une glauque raison d'État. De la cogite à la Fuller alors ? Bien, je m'en souviendrai.

Par contre, quelque chose m'échappe !. Help !

J'ai vu la version Américaine sous-titrée en Français. Or, le contributeur dans sa critique, et Patrick Brion également en présentant le film, nous disent que dans "la version Française", il ne s'agit pas de microfilm et de communistes, mais de drogue. Question : La "version Française", c'est un remake qui aurait été tourné ou bien parlent ils de dialogues Français sur la version américaine, dialogues qui détourneraient un peu le sujet ?


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De vincentp, le 21 décembre 2013 à 23:14
Note du film : 5/6

4,8/6. Outre la mise en scène fluide, nerveuse à souhait, et moderne (on pense à En quatrième vitesse de Robert Aldrich, réalisé deux ans plus tard), et la photographie somptueuse en noir et blanc de Joseph MacDonald (nombreux gros plans très près des visages consécutifs à des travelings avant), le duo Richard Widmark et Jean Peters produit des étincelles. Loin d'être simplement une belle fille, Peters est une comédienne formidable : elle donne à ses personnages (Niagara, Capitaine de Castille, La flibustière des Antilles, et bien d'autres encore) une épaisseur psychologique et une ambiguïté trouble de tous les instants. Voici encore une actrice des années quarante et cinquante de tout premier plan.


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De vincentp, le 4 février 2018 à 21:48
Note du film : 5/6

5,4/6 cette fois….C'est effectivement un très beau film, revu dans sa version numérique grand écran. La photographie noir et blanc de Joseph MacDonald est superbe, comme la mise en scène de Fuller et l'interprétation (Jean Peters est une grande actrice, aucun doute !). De belles séquences dans un New-York de bord de rivière. Quelques réserves peut-être liées au scénario assez conventionnel ?


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