Le film en lui-même est d'une grande inégalité. Le pire et le meilleur se cotoient, passant sans cesse de l'un à l'autre. Le meilleur, c'est un trio de personnages aussi bien campés qu'interprétés. Jean-Louis Trintignant est sublime d'humour, de méchanceté et de suffisance dans le rôle du Président. Michel Serrault interprète l'adjoint bon à tout faire du Président, le chien de son maître. Il est dans un registre qu'il connaît parfaitement et dans lequel il excelle. Plus étonnant, le personnage de l'ex-maîtresse du président joué par Catherine Deneuve qui, tout à la fois, connaît les secrets du Président et qui pourtant prend tout cette affaire avec une telle légèreté qu'elle confère à la situation le regard du bon sens et donne de l'humour à ce vaudeville de pacotille.

Le moins bon concerne non plus cette sphère de personnages mais tout ce qui gravite autour de l'histoire du chantage qui est tout de même le sujet principal du film. Certes, on saluera le clin d'œil à la lettre volée d'Edgar Poe, mais la mise en place de cette lettre est des plus lourdes et des plus artificielles à plusieurs égards. D'abord parce que cette histoire tourne autour d' Hippolyte Girardot qui joue faux, et qui n'est pas aidé par un personnage flou, trop mou et gentil, pas assez clair quant à ses motivations. Sans doute qu'un acteur lui-même moins doux et plus ambivalent aurait pu donner au personnage une autre dimension, une dimension qu'il n'a pas.

Mais derrière le personnage d'Hippolyte Girardot se trouve toute la partie faible du scénario qui fait s'enchaîner les invraisemblances : le vol n'est pas justifié par le caractère du personnage, le passage de la lettre à l'éditeur se fait d'une manière des plus ampoulées qui soient, peu plausibles aussi le courrier qui, déposé à l'entrée de l'Élysée, passe tout naturellement au président sans aucune barrière, Michel Serrault qui se veut discret et qui laisse sa grosse voiture avec ses chauffeurs et gardes du corps devant la maison dans laquelle il se rend en cachette !

Film inégal donc, mais qui possède une force nouvelle depuis quelques années, depuis en fait la mort de François Mitterrand et la remontée de ses secrets d'alcôve. Impossible de ne pas voir ce film avec un sourire en remarquant les coïncidences entre ce président qui cache son " bâtard de la République " et Mitterrand. Impossible non plus de ne pas savourer le jeu de Jean-Louis Trintignant qui imite à merveille les postures, les attitudes les plus grotesques de Mitterrand.

En parlant de coïncidences… Vu le sujet du film, et les ressemblances avec Qui-On-Sait, le plus curieux, est qu'au générique, on peut lire que le scénario est tiré d'un livre de Françoise Giroud, paru aux éditions… Mazarine !