Michael Mann est sans doute un des réalisateurs les plus intéressants des dernières années. Travailleur, son cinéma évolue d'un film sur l'autre, dans des recherches stylistiques, cinématographiques et à cet égard, il ressemble à Scorsese. Révélations a été pour lui l'occasion d'aborder une mise en image totalement nouvelle, basée sur un montage très "musical", un filmage en caméra épaule d'une discrétion étonnante et d'un travail de cadre (ou de décadrage) à couper le souffle.

Avec Ali, il reprend cette technique, avec plus de discrétion, plus de retrait, comme si le sujet avait besoin d'une mise en scène plus passive. Il est amusant d'ailleurs de voir que quand il s'agit de film sur des personnages réels, ce retrait est assez courant. On avait la même chose avec Erin Brockovich par exemple.

Mais attention, si on ne doit pas s'attendre à la virtuosité évidente de son film précédent, Michael Mann continue ses recherches visuelles. Quelques trouvailles parsèment le film, ainsi que plusieurs grands moments de mise en scène. Ainsi, par exemple, la scène d'ouverture du film par exemple, quand Ali court à l'aube, filmé en contre-plongée sur le ciel couvert avec une lune au loin est sublime. Ou bien alors le premier combat avec ce décor immense permettant un jeu fascinant sur les perspectives qu'offrent les lampes au plafond. Chaque changement de plan qui change les perspectives permet de faire ressentir au spectateur la perte de repère, le vertige que ressent le boxeur sur le ring…

Si la mise en scène de ce film est irréprochable, il n'en est pas de même pour le scénario. Il semblerait que le personnage de Mohammed Ali était si fort, ou si présent, que le réalisateur n'a pas pu ou n'a pas osé prendre ses distances et surtout ses libertés par rapport à la réalité historique. Ainsi, si le film fonctionne très bien sur les deux tiers de l'histoire, le dernier tiers (Zaïre) perd de son intérêt et fait basculer le film dans une histoire à la Rocky.

Le thème et le point de vue de départ sur le boxeur sont pourtant passionnants: comment un black peut s'en sortir, comment peut-il accéder à la liberté dans un pays d'intolérance avec cette idée que plus on est libre, plus on est un danger pour la Société. Ce thème colle au film pendant toute la période "champion" du début, les amitiés avec Malcolm X, le danger qu'il commence à représenter pour les politiques, et qui culmine avec l'épisode Viêt-Nam. Seulement, dès qu'il est réhabilité et qu'il reprend les combats, on perd totalement cet aspect-là (à part dans la scène où Ali court dans les bidonvilles), pour développer l'histoire d'amour d'Ali, qui est ennuyeuse et inintéressante.

Au final, on sort avec un arrière-goût mitigé. D'un côté des scènes magistrales, des thèmes intéressants, mais de l'autre un côté "portrait d'un artiste" peu intéressant, et aussi, disons le, un comédien, Will Smith qui ne convainc pas tellement… Il en fait le moins possible, ce qui est la meilleure chose à faire quand on n'est pas un bon comédien, mais cela ne suffit pas…

En bref  : Un film inégal, avec de très grandes scènes de cinéma, et des lourdeurs de scénario.

Le film qu'il faut voir si l'on est fan de Mohamed Ali, c'est le documentaire "When we were kings",et non cette fiction romancée qui pour ma part ne m'a laissé aucun souvenir marquant peut être parce que j'étais saoul et que si je ne l'avais pas été je n'aurai peut être pas tenu le film jusqu'au bout.