Ce n'est vraiment pas normal qu'il faille acheter un DVD anglais pour revoir ce bijou de notre patrimoine ! Je vote donc pour remettre un peu de normalité dans cette anormalité. Et aussi bien sûr, parce que j'ai très envie de le revoir !
Il y a des bizarreries que je ne m'explique pas !
Evidemment, il faut voter et voter encore pour que ce Feyder-là soit édité et que les jeunes générations découvrent que Françoise Rosay
n'est pas seulement le fournisseur en papier-monnaie de Jean Gabin
dans Le cave se rebiffe
!
Evidemment !
Il y a bien longtemps, bien longtemps, peut-être quarante ans que je n'avais vu La kermesse héroïque, film majeur de la courte carrière dans le parlant de son auteur, Jacques Feyder,
et film couronné de prix (Biennale de Venise, deux Oscars, etc.)
Imagine-t-on, aujourd'hui, ce que serait un pareil appel au goût et à la culture des spectateurs ? Et de fait, au fil des séquences, on reconnaît, mis en images, ici un Vermeer, là un Breughel, là un Hals, là encore un Rubens ; et n'étant guère amateur de peinture, je me dis que j'ai dû en omettre beaucoup… C'est en tout cas une somme de clins d'œil savoureux et civilisés.
Ce qui serait un autre sujet d'étonnement, aujourd'hui, c'est l'intrigue même : les Espagnols en Flandre ; pour beaucoup, l'histoire d'Espagne, c'est le Roi Ferdinand et la Reine Isabelle (les méchants et ingrats souverains qui délaissent Christophe Colomb), puis rien, puis la vilaine Inquisition, puis Charles Quint et Philippe II, puis la guerre qu'y mène Napoléon pour y installer son frère, puis rien, puis le méchant Franco et la gentille Passionaria. Puis la Movida et le football. (et la Costa Brava et la paella). Mais l'Espagne, ce fut aussi un des tourments principaux de la France, une puissance mondiale qui, donc, avait ses aises aussi bien au Nord qu'au sud de notre pays.
Le film est un tourbillon gai, où de graves bourgeois flamands, extrêmement niais, égoïstes, ridicules et vaniteux se font duper et abondamment cocufier par leurs femmes qui feront aux troupes espagnoles le gai sacrifice de leurs corps.Prenant les choses en main, et jouant sur la trouille noire qu'inspirent les hidalgos aux boutiquiers, la femme (Françoise Rosay) du bourgmestre (André Alerme)
en profite à la fois pour donner sa fille en mariage au jeune peintre Breughel (Bernard Lancret)
qu'elle aime (et non au pleurnichard boucher, premier échevin – Alfred Adam)
et pour octroyer à toutes les femmes de la ville une nuit de liberté, de gaieté et de revanche amoureuse…
Le film est superbe par sa composition, ses décors et costumes, l'allégresse de ses mouvements de caméra, pour ses acteurs aussi : outre ceux déjà cités, admirable composition de Louis Jouvet en moine vicieux et papelard, grande classe et grande allure de Jean Murat,
ambassadeur d'Espagne et amant d'une nuit de la femme du bourgmestre.. Et si Françoise Rosay
n'avait pas une beauté classique – c'est le moins qu'on puisse écrire ! – elle est d'une vitalité et d'un charme si fous qu'elle règne sans mélange sur la distribution….
Intrigant film, donc, pas si drôle que ça, un film où le Mâle impose sa puissance à la femelle émoustillée, un film où le dernier plan, le regard du Duc d'Olivarès, homme à évidentes bonnes fortunes au Bourgmestre cocu et content est cinglant d'un torrentueux mépris…
Un film que j'ai bien aimé, la photo et les décors sont superbes, ainsi que les acteurs, même si je trouve que le film a pris quelques rides.
C'est effectivement un très beau film français des années trente, plein d'esprit et de finesse (d'analyse psychologique de caractères, de rapports sociaux). Les acteurs sont excellents (Murat, Jouvet,
Rosay)
, mais la mise en scène de Feyder
marque aussi les esprits (rythme soutenu, implication du spectateur dans le récit, cadrages,…). Et puis il y a cette atmosphère de fête suggérant qu'il est possible de nouer des rapports pacifiques même en période de guerre. Le sujet est intemporel.
Il est possible de nouer des rapports pacifiques même en période de guerre… écrivez-vous, Vincentp… Certes…. À condition de considérer que l'Occupation espagnole – qui a tout de même duré du milieu du 16ème siècle au début du 18ème – était une guerre… mais surtout que les femmes des territoires occupés doivent, pour la concorde commune, coucher avec les occupants.
il y en a qui ont été tondues, en 1944 pour à peu près ça…
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