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Forum : Looking for Richard

Sujet : Critique


De dumbledore, le 7 mars 2005 à 08:40
Note du film : 5/6

What do you know about Shakespeare ?

Il ne serait pas trop présomptueux de dire que les deux plus grands auteurs de la littérature mondiale sont Shakespeare et Molière, pour leur perfection de construction, pour leur force des personnages et pour leur analyse du monde psychologique et humain. Leurs pièces sont toujours aussi juste humainement, psychologiquement, et émotivement… et cela après des siècles. Une raison simple sans doute : ils ont atteint une vérité (humaine et artistique) qui ne peut être démodée.

Aux Etats-Unis, Shakespeare a évidemment éclipsé Molière pour des raisons de langue essentiellement mais il donne également aux américains un terrible sentiment d'infériorité : Shakespeare ne peut être bien joué que par des Anglais. Bien sûr ce sentiment d'infériorité est passionnant car il incarne, voire symbolise une dimension plus forte, celle de l'impression de l'inculture américaine, de l'ex-colonie en somme, face à l'ex-Empire anglais, et ses siècles de haute culture. Complexe d'infériorité d'un fils face à son père.

Le débat est évidemment stérile, surtout que Shakespeare, de par son talent, n'appartient nullement à l'Angleterre mais au patrimoine mondial. Tout comme Shakespeare dépasse le cadre de son époque, il dépasse le cadre de son pays, et même de sa langue. Preuve en est : il s'est répandu à travers le monde sans souci et est adopté par tout le monde car tout être humain se retrouve dans les passions et dans les analyses qu'a pu développer Shakespeare. Il suffit de se rendre compte que le meilleur adaptateur de Shakespeare au cinéma est un japonais,

Kurosawa en l'occurence, pour s'en convaincre.

Populariser Shakespeare est un cheval de bataille d'Al Pacino qui comme chaque année, descend à New-York pour des représentations gratuites à Central Park d'oeuvres de Shakespeare. Il y va avec ses potes, d'autres grands comédiens du cinéma.

Dans Looking for Richard, il tente d'exprimer sa réflexion sur Shakespeare et sa place dans la société actuelle. Ce documentaire fictionné est pris dans un double mouvement : l'élaboration de Richard III (réflexion sur les décors, sur les personnages, sur les comédiens, sur le jeu, bref le travail de mise en scène de théâtre) et l'avancée de la pièce en elle-même (on va du premier acte au dernier acte, dans le film).

Richard III est une des pièces les plus passionnantes de Shakespeare, un des personnages les plus hauts en couleurs de la littérature, une figure de l'homme de pouvoir, affreux dans sa réalité (psychologique, donc physique) mais doué d'une séduction extraordinaire (la scène de séduction de lady Anne est une plus belles scènes jamais écrites).

Pacino et les comédiens décortiquent, analysent et font comprendre merveilleusement la pièce… avec cette belle idée finalement que les pièces appartiennent plus aux acteurs qu'aux profs de fac. Et ils ont raison. Les pièces sont faites pour être jouées nullement pour être seulement analysées, décortiquées. La vérité est là, dans l'alchimie entre le texte, le comédien et le spectateur. Le film nous le prouve magistralement.

La mise en scène d'Al Pacino est d'une liberté très agréable, très cohérente également avec son propos. Les allers-retours entre les répétitions et la pièce fonctionnent merveilleusement bien, donnant un rythme très agréable au récit. On regrettera toutefois qu'il se fasse prendre par son propre procédé. Notamment lors du dernier tiers du film. On a une sorte de réciprocité non plus des acteurs sur la pièce, mais des personnages sur les acteurs.

C'est un peu artificiel, c'est naïf également et cliché dans l'idée romantique que les "personnages bouffent les comédiens". Dans cette recherche de vérité qu'est le film, ce petit mensonge romantique fait un peu tâche. Il aurait été plus sage de rester sur la trame principale de "Shakespeare aujourd'hui" plutôt que de dramatiser artificiellement la fin du film. Petit reproche pour un grand film.

"Looking for Shakespeare" aurait mérité de s'appeler ce film. D'ailleurs, à plusieurs moments, on voit Al Pacino dans les rues de New York et demander à des passants ce que représente Shakespeare pour eux. Malheureusement, Pacino ne croise pas Woody Allen qui a d'ailleurs répondu à cette question par une réponse presque mystique, élaborant une sainte trinité : il y a Dieu. Shakespeare. Et moi.

Assez d'accord !


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De Israelian, le 8 mars 2005 à 10:55

Grâce à Vous, je viens d'apprendre que Pacino organiserait des représentations chaque année de Shakespeare à Central Park; je n'en avas jamais entendu parler… Pourriez vous me signaler quand elles ont lieu ? Merci par avance.


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De dumbledore, le 8 mars 2005 à 11:13
Note du film : 5/6

J'ai été peut-être présomptueux d'écrire qu'il le fait chaque année, mais assez souvent. Vous pouvez aller voir à cette adresse : http://www.publictheater.org/ pour plus de précision ou taper "New York Shakespeare Festival" sur google.


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