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Sujet : De la cornemuse à la castagnette


De dumbledore, le 6 décembre 2004 à 13:24
Note du film : 6/6

Une fois n'est pas coutume, Ken Loach sort de son Angleterre natale pour débarquer en Espagne, sort également de l'époque contemporaine pour s'intéresser à la guerre d'Espagne. Par contre, une chose ne change pas, Ken Loach traite encore et toujours de la même chose : le combat des ouvriers, thème sur lequel il excelle.

Il faut reconnaître qu'il choisit une époque particulièrement passionnante de l'histoire politique de l'Europe, celle de l'étayage du stalinisme sur le communisme.

L'histoire est celle d'un anglais, David Carr, chômeur, communiste en 1936 et qui décide de partir aider la république espagnole en lutte contre le fascisme de Franco qui tente de renverser le pouvoir en place. David atterrit dans un groupe de miliciens, le P.O.U.M., une milice troskyste au milieu d'autres milices communistes, anarchistes qui constituent la force de résistance du pays. Seulement, bien vite, la guerre contre l'ennemi fasciste se transforme également en une guerre intestine entre les différents communistes… dont le Stalinisme sera le plus organisé, le plus puissant et le plus cruel.

Dans cette histoire, Ken Loach fait preuve de tout son talent. On retrouve sa générosité avec ses personnages, constituant dans la milice une série de portraits de personnages à la fois fort différents et tous touchants. Il fait un effort manifeste pour y mettre de tout puisqu'on a des anglais, un allemand, un français, et évidemment des espagnols. Pas de "méchants" dans son film, juste des hommes et des femmes on ne peut plus humain qui ne partagent pas forcément la même vision ou la même analyse des situations. A cet égard, Ken Loach rappelle l'humaniste qu'était Jean Renoir.

Mais le film n'est pas qu'une galerie de personnages. Il propose un scénario à la fois d'une grande simplicité et d'une grande force. Simple dans la clarté de son histoire. Bien plus complexe dans la vision politique qu'il développe. Il ose ainsi des scènes très longues, proches du reportage, dans lesquels les personnages sont lâchés dans une certaine improvisation. Une scène est particulièrement forte. La milice vient de libérer un village qui doit s'auto-gérer. Tous chantent l'Internationale mais après, quand il faut trouver une politique commune, ce n'est que dissensions et disputes. En une scène, tout le film est déjà présent en filigramme, toute la vision politique de Ken Loach y est également, dans une version qu'on a rarement vu aussi noire. Certes, nous dit-il, le combat ouvrier est beau, nécessaire, les idées magnifiques et vitales. Mais la mise en pratique n'a rien de facile et donnent même les pires catastrophes.

Impossible de ne pas saluer également la scène finale de l'affrontement de la milice avec les "Staliniens", sublime et d'une grande force émotionnelle. Cette fois, Ken Loach reprend des postures, des images rappelant l'expressionnisme voire des scènes de Goya.

Son talent est également dans la narration, Ken Loach recourt aux flash-backs puisqu'on attaque le récit sur la mort du héros, âgé, grand-père sage chez lui et dont la petite fille – par une série de lettres – va découvrir la vie d'antan. Cette narration permet à la fois une portée thématique évidente (la nécessité de poursuivre une lutte et transmettre les leçons du passé) mais permet également une gestion très alerte des ellipses, en recourant à une voix off ou à des retours sur la petite-fille.

Quant à la mise en scène, on aurait pu la craindre trop décalée de part sa modernité. Il n'en est rien. Il a toujours une caméra très libre, recourant peu au découpage préférant aller et revenir d'un personnage à l'autre, mais toujours avec une grâce et une fluidité qui devrait servir d'exemple à pas mal de cinéaste.

Non, décidemment, Ken Loach est un grand.


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De Impétueux, le 6 décembre 2004 à 14:37
Note du film : 4/6

Camarade, camarade !! Le P.O.U.M. (Parti Ouvrier d'Unification Marxiste) n'est pas, comme vous le dites, un "groupe de miliciens, une des centaines de milices communistes, ou anarchistes" mais bien un parti dogmatiquement trotskiste ! La guerre entre Staline et Trotsky bat son plein, à l'époque et il est très important pour Staline d'éliminer complètement le mouvement de son rival en Espagne, un des rares pays où l'implantation trostkyste est forte et influente…

André Marty, le fameux "mutin de la Mer Noire", un des hommes les plus importants du PCF est envoyé sur le front espagnol, comme commissaire politique, notamment pour ça : abattre le POUM ; il y gagnera d'ailleurs le gracieux surnom de "boucher d'Albacete"…

Cela étant, et pour mettre les choses au clair, je suis plutôt du côté des requetes carlistes, dans cette histoire… donc de l'autre côté, celui des vainqueurs de 1939…


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De dumbledore, le 6 décembre 2004 à 14:48
Note du film : 6/6

J'ai intégré la précision : "P.O.U.M., une milice troskyste au milieu d'autres milices communistes, anarchistes qui constituent la force de résistance du pays"…


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De bambuck, le 28 août 2005 à 19:49

Non c'est faux , Trotsky s'était opposé à l'union de Andreas Nin avec le bloc ire de Maurin et préconisait à la place de rentrer dans le PSOE ou une tres large radicalisation etait en cours.

Le PSOE avait une implantation nationale, celle du POUM fut réelle mais limité à la Catalogne ce qui a permis leur élimination par des troupes venues de Madrid.

Trotsky avait définitivement rompu avec Nin apres sa participation au gouvernement de Catalogne.

Par contre les militants trotskistes espagnoles au demeurant numériquement faibles militaient au sein du POUM

En plein Stalinisme tous ceux qui étaient retsé fideles à Octobre etaient déclares trotskiste ce qui ne voulait pas dire grand chose.


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De vincentp, le 5 octobre 2013 à 10:07
Note du film : 4/6

Un bon film d'idées : celles des combattants engagés au sein des forces républicaines contre les franquistes, durant la guerre civile espagnole. Land and freedom via ses personnages met en évidence les différentes formes de lutte contre un pouvoir de type capitaliste. Les débats engagés entre les membres de la milice, ou avec les paysans, sont intéressants. La mise en scène est de qualité (on perçoit immédiatement la différence entre celle de quatre mariages et un enterrement -qui tire sa force de ses dialogues et de ses acteurs- et celle de ce présent film). Ceci étant dit, Land and freedom me paraît être simplement une semi-réussite de Ken Loach (si l'on compare cette oeuvre avec Raining stones, Sweet sixteen,…). De plus, il ne conviendra probablement pas aux spectateurs traditionnellement réticents aux idées de gauche, voire d'extrême gauche.


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De Impétueux, le 19 juin 2019 à 19:10
Note du film : 4/6

Voilà seulement le deuxième film que je regarde de Ken Loach et tout autant qu'avec Moi Daniel Blake, j'y ai pris beaucoup de plaisir. Que je me place, dans la lourde histoire de la guerre d'Espagne, à l'exact opposé du camp décrit par le cinéaste n'empêche en rien – Dieu merci ! – d'apprécier un travail de grande qualité qui s'attache, avec un grand sens de l'image et du rythme, à décrire les errements, les déceptions, les aigreurs, les combats, les horreurs d'un groupe de miliciens du POUM (Parti Unifié d'Unification Marxiste) sur le front d'Aragon au début du conflit. Je croyais naguère que cette variété particulière de communisme s'était placée sous l'égide de Léon Trotsky : c'est beaucoup plus complexe que ça ; comment pourrait-on les qualifier autrement que socialistes révolutionnaires, anti staliniens, collectivistes, phalanstériens, d'une certaine façon, et féministes…

Je n'ai évidemment rien contre l'engagement déterminé de Ken Loach du côté de la gauche radicale ; c'est son affaire et, s'il a un peu de clairvoyance sur la direction que prend le monde d'aujourd'hui, il doit pleurer des larmes de sang. Mais je ne m'empêcherai pas de faire remarquer que ce représentant patenté des damnés de la Terre est un des cinéastes les plus célébrés par la médiature internationale, collectionnant, pour l'ensemble de son œuvre, six sélections à la Mostra de Venise, 7 à la Berlinade et enfin, last but not least 19 à Cannes (toutes compétitions confondues), dont 14 dans la compétition majeure et deux Palmes d'or. Lorsque l'on connaît la dégoulinade de fric et de champagne qui sépare, sur la Croisette, ceux qui sont in et ceux qui sont out, on est tout de même un peu confondu devant l'absence de clairvoyance (ou l'hypocrisie ou le cynisme) du bonhomme.

Mais après tout, cela le regarde. Comme cela regardait les militants exaltés révolutionnaires partagés entre deux orientations : faire d'abord triompher la République et, de ce fait, battre, par tous les moyens possibles, les combattants du Soulèvement national ou entrer tout de suite dans la phase révolutionnaire et pratiquer d'emblée la collectivisation des terres et des moyens de production. Le groupe que rejoint David (Ian Hart), militant du Parti communiste britannique est de ceux qui prônent la seconde orientation ; il y arrive un peu par hasard, alors que sa place serait plutôt dans les rangs des Brigades internationales, prises en main et dirigées par Moscou. Mais c'est cela qui fait la trame de Land and freedom.

Fraternité d'arme, bien sûr, mais comme le groupe, se refusant à toute discipline et à tout enrégimentement, n'est muni que de pétoires archaïques et d'une inefficacité abyssale, conversations sans fin sur les idéaux de la Révolution, ses prolégomènes et ses développements espérés et regards sur les personnages qui composent cette troupe singulière. Une troupe qui vient d'un peu partout et qui compte des idéologues, des révoltés, des militants, des hommes d'action et deux femmes ardentes, Maité (Iciar Bollain) et surtout Blanca (Rosana Pastor). Celle-ci, qui est la compagne d'un des membres de la bande, devient l'amante de David alors que, blessé au combat, il passe sa convalescence à Barcelone.

Et c'est précisément à Barcelone que les péripéties du film rejoignent la grande Histoire, lors des célèbres journées de mai 1937 où l'autorité républicaine, qui s'appuie sur le Parti communiste et, donc, l'aide forcenée de l'Union soviétique, fait fusiller militants du POUM et anarchistes qui tiennent les nœuds stratégiques de la grande ville. Le reste du film quitte alors l'intéressante exploration des braves révolutionnaires illuminés pour stigmatiser, de façon inutilement démonstrative et grandiloquente le désarmement des bandes par les staliniens. De toute façon, pour le camp rouge, en juillet 1937, lors de la dissolution du POUM, les carottes sont cuites ; en juin, tout ce qui restait républicain du Pays basque, autour de Bilbao a été pris et les deux tiers de l'Espagne sont libérés…

Ken Loach filme avec beaucoup de talent l'orgie sanglante de la guerre civile. L'Aragon est superbement mis en scène… on a envie de citer Robert Brasillach, ce qui est surprenant (mais pas tant que ça, finalement) : Et sur les chemins secs et roux, Voici notre Espagne sans cesse..


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