Je ne connaissais pas ces anecdotes : Boetticher commençait à se faire vieux et je n'ai jamais vu ces westerns des années 60. Ceci dit "Sierra Torride" est assez jouissif.

C'est vraiment le passage d'Eastwood du cinéma italien à l'Américain, via son personnage de "No Name" (il progresse, ici il a un nom de famille) et encore accompagné par la musique de Morricone. S'il s'effiloche dans son dernier tiers, le film est agréable et le duo avec MacLaine très drôle. Les mimiques crispées du grand Clint ont rarement été aussi bien employées. Bien sûr, on comprend que Boetticher ait été fou de rage en voyant le film (voir le bouquin de Christopher Frayling sur Eastwood), mais les temps avaient changé depuis l'époque de Randolph Scott…

AlHolg terminait sa critique par cette phrase : de mon point de vue, la scène finale est superflue ; j'aurais préféré que le film s'achève avec celle de la baignoire – Je serai assez d'accord avec lui, mais disons que cette scène finale est un sacré clin d'oeil du scénariste ou du réalisateur par rapport aux mêmes scènes où Sara est "habillée" en nonne…

C'est un "western" qui se regarde avec le sourire et la même sympathie au même titre que l'on suit les protagonistes du film de John Huston Dieu seul le sait. Certes, ici, "l'esprit" n'est pas le même et l'aboutissement en sera tout autre, mais c'est amusant de suivre nos héros d'épisode en épisode tout au long de cette histoire un peu longuette quand même.

C'est vrai que l'on se retrouve dans un univers qui a fait les beaux jours de Budd Boetticher et Randolph Scott, c'est vrai qu'à la vision de ce film il est difficile d'imaginer deux autres protagonistes que Shirley MacLaine et Clint Eastwood mais il faut bien convenir qu'il manque à ce film un ton qui aurait pu lui conférer un succès tout autre. C'est un problème de mise-en-scène et on peut se poser la question de savoir à qui sa réalisation aurait pu être confiée, sachant que les scènes spectaculaires de la dernière partie du film relèvent de la seconde équipe ? Pour ma part, quelques années plus tôt, un Raoul Walsh ou un Howard Hawks même John Huston ?

La scène finale peut prêter à débat, mais la robe décoletée rouge à froufrou évoque indubitablement la luxure et les enfers alors que durant tout le film soeur Sara alias Shirley MacLaine suit, malgré quelques petits arrangements, la règle cénobitique des nonnes avec une ferveur qui refroidit clairement les ardeurs du viril Clint Eastwood. Cette scène ne fera certes pas date dans l'histoire du cinéma, mais cela nous fait quand même sourire !
Ce film se laisse regarder du début à la fin sans déplaisir comme beaucoup d'oeuvres de Don Siegel (dont les solides et sous-estimés Ca commence à Vera Cruz, L'enfer est pour les héros ou Une poignée de plomb). Siegel ne fait jamais dans la fioriture mais on n'en a cure.

Évidemment, ce que j'aime le plus avec ce bon petit film de Don Siegel, c'est que c'est un western américain où se manifeste une évidente influence étrangère… Je vois la chose comme une sorte d'exploit culturel. Bravo, Cinecittà !

Note maintenue ! Un peu comme certaines actrices ne voyagent pas sans leur maquilleuse, Clint Eastwood débarque de Cinecittà avec son musicien. Superbe thème de Morricone pour guitare, flûte, bombarde et trucs grinçants ; magnifique séquence d'ouverture avec serpent, scorpion et puma (ou autre félin, je ne les distingue pas toujours car on ne se fréquente guère). Ça fait plaisir de voir Hollywood plier devant une influence étrangère quelle qu'elle soit, mais l'adjonction du rôle féminin "sur mesure" est bien sûr tout à fait U.S. Shirley MacLaine est des plus amusantes face à l'impavide Clint. Et puis il y a plein de dynamite car c'est la révolution ! Que demander de plus ? Enfin, ce n'est pas un chef-d'oeuvre mais je ne me suis pas ennuyé du tout.

Two Mules for Sister Sara réalisé par Don Siegel en 1970 se situe sous l'influence évidente des westerns de Sam Peckinpah et du western spaghetti des trois Sergio (Leone, Corbucci, Sollima). C'est à mon sens un superbe film, admirablement écrit, photographié, mis en musique, interprété et réalisé, ceci sur les faux-semblants, les illusions de la vie et la mort qui rôde. Le montage est un autre point fort de ce western, à mon avis, incroyablement sous-estimé. Il est vrai que dans un soucis de réalisme, Siegel prend son temps et certaines séquences sur des sujets anodins semblent durer plus que raisonnable. La dimension politique et sociale de Sierra Torride est creusée impeccablement, et les français de la garnison sont passés à la moulinette avec leurs improbables coutumes. Evidemment, une des plus grosses erreurs de notre pays aura été de vouloir soutenir l'empereur Maximilien… L'oeuvre cinématographique prise globalement de Don Siegel s'avère être avec le recul d'aujourd'hui celle d'un grand maître, avec certes l'appui d'acteurs ultra-performants comme ici le duo vedette de Sierra Torride. Un des mes coups de coeur de 2018.