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Sujet : "Le puits et le pendule" fidèlement adapté par Astruc


De verdun, le 21 mars 2020 à 12:21
Note du film : 4/6

Visionner à quelques heures d'intervalle deux films totalement différents mais tirés de la même source littéraire, voilà une expérience passionnante, surtout quand il s'agit de deux oeuvres de qualité !

Le puits et le pendule "astrucien" n'a pas grand chose à voir avec La chambre des tortures "cormanienne". Il s'agit d'un téléfilm produit en 1963 par la Radiodiffusion-Télévision-Française.

La fidélité à Poe est ici de mise: c'est le récit à la première personne d'un homme condamné à mort par l'inquisition. Enfermé dans une cellule, il s'évanouit. A son réveil, il se retrouve ligoté. Un pendule actionnant une immense lame se rapproche de lui…

La mise en scène est rigoureuse voire austère. Il n'y a pas de dialogues mais une voix-off omniprésente. Ici pas de cinémascope ni de couleurs flamboyantes mais un noir et blanc efficace. Malgré le peu de moyens, l'ensemble apparaît réaliste et crédible. La musique parfois liturgique de Antoine Duhamel est judicieusement utilisée.

C'est une vision cérébrale de Poe, qui peut sembler difficile d'accès: Astruc voulait selon ses propres termes, "filmer une pensée en marche". Néanmoins l'ensemble est convaincant grâce à la qualité de la mise en scène (et du texte !), à une durée réduite (40 minutes) et à la présence d'un acteur aussi talentueux que Maurice Ronet dans le rôle principal. Passionné par Poe, Ronet adaptera d'ailleurs "Ligeia" et "le scarabée d'or" pour la télévision au début des années 80.

Le puits et le pendule prouve d'une part que l'oeuvre d'Alexandre Astruc, assez oubliée de nos jours, mérite d'être redécouverte et d'autre part que la télévision française a produit dans les années 60-70-80 un nombre important de téléfilms fantastiques réussis et audacieux, comme je l'indiquais dans mon message concernant L'île aux trente cercueils.

Mais tout cela était bien avant "le temps de cerveau humain disponible"..


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De Impétueux, le 21 mars 2020 à 19:04
Note du film : 4/6

Je suis bien d'accord avec vous, Verdun, pour regretter l'absence d'éditions des films d'Alexandre Astruc ; à ma connaissance, aucun de ses sept films de fiction n'est édité en DVD, alors que certains ont eu un réel succès critique et public (Une vie, par exemple en 1958.

Il était féru d'adaptations littéraires : Le rideau cramoisi d'après Barbey d'Aurevilly, les mauvaises rencontres d'après Cecil Saint-Laurent, Une vie d'après Maupassant, La proie pour l'ombre d'après Françoise Sagan, L'éducation sentimentale d'après Gustave Flaubert

Et des dramatiques télévisées comme celle que vous citez, Verdun (mais où avez-vous pu voir ça ?) ; Une fille d'Ève et Albert Savarus d'après Balzac

J'ai eu le privilège d'approcher un peu Astruc à la fin des années 70… Il se consacrait à la littérature, au roman… Il ne trouvait plus de producteurs pour lui faire confiance…


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De verdun, le 21 mars 2020 à 19:40
Note du film : 4/6

On trouve en dvd Flammes sur l'Adriatique, La proie pour l'ombre, L'éducation sentimentale et 813 sa version d'Arsène Lupin avec un bon Brialy…Et Sartre par lui-même, interview du célèbre philosophe.

Le puits et le pendule est sur youtube…


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De Impétueux, le 24 mars 2020 à 18:53
Note du film : 4/6

Grand merci à Verdun pour avoir évoqué le film et à Spontex pour avoir installé un lien qui m'a permis de le découvrir !

Je ne crois pas avoir vu le court métrage d'Alexandre Astruc sur le petit écran. En 1964, nous n'avions pas la télévision ; plus tard y a-t-il eu une diffusion ? C'est fort possible, parce que l'époque n'hésitait pas à proposer aux spectateurs des textes et des images exigeants, puisés aux meilleures sources, adaptés de grands écrivains et mis en scène par d'excellents réalisateurs. Je sais bien qu'il y avait aussi Intervilles, mais on se souvient avant tout de Cinq colonnes à la Une et de La caméra explore le Temps. Bon. Passons ces récriminations de vieillard presque cacochyme. Depuis Tacite tout a été toujours mieux avant.

Le puits et le pendule est certainement une des nouvelles les plus réussies d'Edgar Poe, auteur qui n'est pas toujours exempt de verbiage. Elle est au niveau de La chute de la maison Usher, La tombe de Ligéia, Le chat noir, Le scarabée d'or ou L'homme des foules (et bien d'autres) ; il y a rythme et puissance de l'horreur ; et aussi capacité d'identification puisqu'à part la chute finale, qui survient miraculeusement, on peut facilement s'identifier au malheureux confiné dans un cul de basse-fosse et qui connaît toutes les horreurs de la torture.

Élevé dans un milieu protestant (anglican, je crois) Edgar Poe ressentait pour l'Inquisition une épouvante sûrement sincère, bien qu'elle soit totalement injustifiée par rapport à la réalité historique. Non que l'Organisation ait été bénigne et doucereuse, mais parce que, outre de donner aux personnes incriminées le cadre juridique que les lynchages populaires leur refusaient, elle a été finalement beaucoup moins sanglante qu'on ne pourrait le craindre : sait-on assez qu'il y a eu moins d'exécutions pendant les trois siècles de l'Inquisition espagnole que dans les trois années de Terreur de la Révolution française ?

Alexandre Astruc, en un peu moins de 40 minutes, suit parfaitement, tout à fait fidèlement, la nouvelle. Sans qu'on sache quoi que ce soit sur lui, un condamné, Maurice Ronet, dont la voix off sera la ligne unique du court métrage, est conduit dans un in-pace sévère dont les niveaux semblent aussi nombreux et insondables que les cercles de l'Enfer. Condamné par le tribunal ecclésial, il est conduit vivement au fin fond des cachots. Le réalisateur bute alors un peu sur une impossibilité : la nouvelle relate que le condamné est jeté dans une obscurité absolue et ne parviendra que par un hasard miraculeux à échapper au puits fétide qui l'attend au milieu de son cachot. Il est tout de même obligé de fixer quelques lumières furtives sur les incertitudes et les balbutiements du condamné.

Puis dès la chute évitée, c'est le fatidique balancement du pendule (repris – la chose est assez singulière – dans Hostel 2) et le fourmillement des rats. Admirable conscience professionnelle de Maurice Ronet qui a pu subir sur son corps, sur son visage, le grouillement des pattes immondes. Astruc met un sens très sûr du rythme dans cette effroyable séquence. Et puis les murs brûlants qui se resserrent… jusqu'à la libération parce que les troupes françaises de 1808 entrent dans Tolède et libèrent le malheureux…

Décors d'André Bakst, musique de Georges Delerue (qui retrouve l'esprit baroque), qualité du jeu de Maurice Ronet, à la beauté toujours inquiète. Un des très beaux témoignages de la télévision de jadis.


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