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Sujet : L'identité des hommes


De Impétueux, le 9 octobre 2015 à 14:10
Note du film : 3/6

Comme elle n'est jamais aidée, ni même soutenue par les instances officielles (CNC), ni par les maisons de production, comme elle est courageuse, déterminée, obstinée et parce que, surtout, elle a beaucoup de talent, on souhaiterait que les films de Cheyenne Carron soient de plus en plus réussis.

On a dit du bien ici de ses deux derniers métrages, La fille publique, qui est une sorte d'autobiographie romancée, et surtout L'apôtre où est abordée avec beaucoup de finesse et d'intelligence la grave question de la conversion au christianisme d'un jeune musulman, sujet délicat propre à enflammer les esprits et ici traité avec profondeur, sans manichéisme ni agressivité.

On n'en est donc que plus à l'aise pour dire que Patries, qui va sortir sur trop peu d'écrans en octobre, n'est pas aussi réussi que les films précédents, malgré la forte et belle ambition qui l'anime : faire sentir, dans le paysage désolant – et très bien capté dans un Noir et Blanc impeccable – ce qu'on pourrait appeler des réalités des banlieues : l'existence d'un racisme anti-blancs (c'est-à-dire la méfiance et l'hostilité de communautés constituées envers ce qui est jugé comme une survivance sur le territoire), l'aspiration de certains membres de ces communautés à retrouver l'authenticité de leur destin en retournant au pays d'origine, revendiqué, désiré, mais sans doute aussi mythifié.

D'où la structure du film en deux parties bien distinctes (et, à mes yeux bien trop distinctes). La première relate l'installation de la famille de Sébastien (Augustin Raguenet) dans une banlieue ni plus, ni moins violente et crasseuse que celles que nous avons désormais l'habitude de voir représentées au cinéma : tours et barres aux vitres cassées, mais fonctionnement à peu près normal (rien à voir avec la sauvagerie décrite dans Dheepan) ; le père de Sébastien est aveugle et amateur de littérature ; sa mère semble assez séductrice, charmeuse : on regrette bien que les deux personnages, en soi intéressants, ne soient pas davantage scrutés et disparaissent graduellement du récit, alors même que l'infirmité de l'un, la coquetterie de l'autre ouvraient des pistes.

Parce que, donc, à la moitié du film, Sébastien laisse à peu près la place à Pierre (Jackee Toto), avec qui une amitié singulière et pleine d'aspérités s'est nouée au début ; et c'est le parcours de Pierre, jeune Camerounais issu d'une famille qui s'efforce, elle, de s'intégrer en France et paraît y réussir, qui va venir sur le devant de la scène et, aux dernières images, réaliser son rêve de repartir en Afrique.

On comprend bien que le dessein de Cheyenne Carron est de présenter, sans racisme ni angélisme, cette question de l'identité qui, qu'on le veuille ou non, est aujourd'hui primordiale dans nos sociétés de confusion et d'incertitude. Et le parti de lier les deux destins des deux adolescents est intelligent. D'où vient qu'on n'est pas totalement satisfait et que, malgré des scènes fortes et réussies, violentes (le rejet de Sébastien par les caïds du territoire) ou douces (l'amitié naissante entre deux Africaines voisines de palier), on n'accroche pas ?

Peut-être parce que c'est un peu trop didactique, un peu trop à thèse, un peu trop pédagogique et qu'on ne s'attache pas vraiment à aucun des personnages, qui semblent, finalement, trop extérieurs, simples figures démonstratives.

C'est dommage mais ce n'est pas infamant, loin de là ! D'autres films viendront…


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De Viator, le 11 octobre 2015 à 16:16
Note du film : 4/6

Voilà enfin un film qui sort des sentiers battus. Le sujet est simple : un jeune homme prénommé Sébastien, nouvel arrivant en banlieue parisienne avec ses parents, tente de se faire accepter par un groupe de jeunes issus de l’immigration africaine. Une amitié complexe et fragile se noue avec Pierre, un jeune Camerounais en quête d’identité.

Les vibrations des cordes du violoncelle du morceau accompagnant l’ouverture du film dans un beau noir et blanc ont quelque chose de rassurant. Enfin un film apaisant tourné en Banlieue. Traité le sujet du racisme au cinéma, est sans aucun doute un sujet sensible. La plupart des réalisateurs qui se sont essayé (parfois même avec un autre beau noir et blanc) durant ces vingt-cinq dernières années, en France, malgré souvent de la bonne volonté sont souvent tombés dans le manichéisme (« Taggers » de Cyril Collard (1989), « La haine de Mathieu Kassovitz (1995), voir dans le discours clairement lénifiant « Etat des Lieux » (Jean-François Richet) (1995). Rien de tel dans ce film qui ose traiter du racisme anti-blanc, mais pas seulement. A ce propos, ce film est peut-être, malgré lui, l’anti-pendant du film « Un Français » de Patrick Asté. Sorti en juin, ce film a bénéficié des subventions du CNC, avances sur recettes, et autres sympathies de la presse bien pensante, tout au contraire des films de Cheyenne-Marie Carron qui eux, relèvent de financements de « fortune ». Pour aller au bout de ses projets, projets par ailleurs bien aboutis, preuve en est ce nouvel opus, la réalisatrice fait appel donc à l’amateurisme de comédiens talentueux. Il émane pendant ces presque deux heures de film un sentiment de vérité renforcé par des prestations d’acteurs à la hauteur de leur rôle confié. Point de scènes sur-jouées, ici, mais des propos assez jutes sur des sujets sensibles, tels le métissage, la naturalisation. D’autres sujets sont également évoqués. Celui de la rancœur fait subtilement place dans la durée à la notion du pardon véritable. La notion d’enracinement et déracinement si chère à Simone Weil est évoquée sans « lourdeur » avec un lien directe avec le rôle primordial de la paternité tant décrié, les combats intérieurs aussi bien de Pierre comme ceux de Sébastien nous invitent à la tolérance (terme tellement galvaudé de nos jours). Ainsi, en sous-jacence, les valeurs du Christianisme sur lesquelles nos aïeux ont batti nos cités, et sur lesquelles nous devons nous appuyer si nous ne voulons pas tomber dans la barbarie.

L’« Anima Christi» de la formation Dei Amoris Cantores délivre un message clair et plein d’espérance. Voilà vingt-cinq ans que nous attendions qu’il puisse être diffusé par les haut-parleurs d’une salle de cinéma, en France. C’est chose quasi faite et il faut en rendre grâce. (Quand bien même il n'y aurait qu'une seule salle!)

Les deux parties sont peut-être trop distinctes, mais une telle structure pour ce film est en soi acceptable si l'on fait l'effort de se concentrer plus sur les sujets traités que sur les personnages eux-mêmes. Certes ce film peut paraitre malgré tout trop didactique. Il a toutefois le mérite d'exister.


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