Bien que le film ait été vilipendé à peu près partout et que, paraît-il,
Richard Widmark ait beaucoup regretté de s'y être engagé, j'avais tout de même gardé le souvenir intense d'une séquence glaçante et, pour quelques euros j'ai acquis cette
Fille pour le diable qui, à la revoyure d'aujourd'hui m'a paru bien plus satisfaisante que ce que l'on en dit et ce qu'elle demeurait dans mon souvenir. Évidemment on ne peut pas mettre sur le même plan les monstruosités satanistes de
Une fille pour le diable et celles – qui sont à peu près de la même nature- de la série (des deux premiers films en tout cas)
La malédiction qui met identiquement en scène les sectateurs du Prince des ténèbres en les confrontant avec notre réalité souvent matérialiste. Le film de
Peter Sykes est un engin de série, qui ne manque pas d'intérêt mais dont les limites sont celles assez bornées, du
cinéma de genre, alors que
La malédiction vise à un autre niveau.
J'ai écrit cent fois que, dans les films qui présentent l'éternelle agression du Diable contre Dieu (et d'ailleurs, d'une façon générale la dialectique du Bien et du Mal), ce qui est le plus fascinant, le plus intéressant, le plus glaçant, c'est la troupe des sectateurs du Prince des ténèbres qui se sont voués corps et âme à Satan. Combien
Une fille pour le diable gagnerait s'il ouvrait des perspectives sur le fascinant dévouement, sur le sacrifice agréé, consenti, espéré de Margaret (
Izabella Telezynska) ou d'Evelyn (
Eva Maria Meineke), qui entrent avec détermination dans ce sacrifice ? La première, enceinte d'un fœtus diabolique monstrueux, qui, jambes et chevilles ligotées, en accouche dans l'explosion de sa chair, en refusant toute aide à la morphine pour la soulager, la seconde en se vidant volontairement de son propre sang afin de permettre la révélation au monde d'Astaroth ?
Malheureusement le film fait une impasse totale sur la fascination des sectateurs du Mal, se contentant de les voir suivre aveuglément le prêtre excommunié Michael Rayner (
Christopher Lee)
, sans que l'on sache comment ils l'ont rencontré et ce qui les a attachés à lui d'une façon absolue. Et c'est pourtant là qu'il serait fascinant de voir leur détermination. Encore faudrait-il que le réalisateur joue le jeu, pour permettre au spectateur de croire un peu à ce qui lui est présenté. J'imagine assez que dans le roman de
Dennis Wheatley, dont le film est une succincte, minimale adaptation, cette sorte de couvent abrité sur une île d'un lac de Bavière où sont réunies les nonnes de la damnation, qui élèvent
l'élue, la
promise Catherine Beddows (
Nastassja Kinski)
est un peu davantage présenté ; comme devrait l'être Isabel (
Anna Bentinck), la mère de Catherine, qui en a accouché, elle aussi, en sacrifiant sa vie, dans un flot de sang abominable et convoité. Je crois que
Wheatley, auteur à immenses succès, notamment du roman dont ont été tirées les excellentes
Vierges de Satan de
Terence Fisher en 1968 a bien tordu le nez devant le caractère assez sommaire et elliptique de l'adaptation faite par
Peter Sykes et son scénariste
Christopher Wicking de sa riche matière.
On peut penser que
Dennis Wheatley, écrivain spécialiste d'occultisme et de démonologie s'était lui-même mis en scène dans le romancier occultiste John Vernay/
Richard Widmark qui entreprend de sauver de l'horreur Catherine (
Nastassja Kinski)
, vouée à devenir l'incarnation du Diable sur la terre et ne découvrira que progressivement la réalité de la conspiration sataniste. On voit bien malgré les maladresses de l'écriture et de la réalisation qu'il y avait là une assez intéressante fresque qui ne demandait qu'à être développée.
Malgré d'immenses insuffisances, quelques séquences ridicules et le parti-pris de tourner
Une fille pour le diable comme un film d'aventures fantastiques, ça ne manque pas de qualités ; d'abord parce que l'Angleterre brouillardeuse, quinteuse, pluvieuse, aux vieilles maisons salies par les suies et aux campagnes miraculeusement vertes se prête particulièrement bien au genre fantastique ; puis parce que
Christopher Lee,
par sa seule présence, parvient, sans ridicule, à faire gober les situations les plus improbables ; et enfin parce que le culte du Démon, quoi qu'on en dise et on en pense, c'est tout de même un bien beau sujet d'angoisse.