Quelques instants du quotidien d'autochtones de l'ile d'Aran, perdue au large des côtes écossaises (vu l'accent rocailleux et gaélique, du style "gluk-stuk"). On est loin de Marseille, de sa pétanque et de ses galéjades, ici ! Flaherty capte la rudesse de la vie, qui ne tient qu'à peu de choses : une posture au bord de la falaise, un peu de terre récupérée sous la pierre. L'homme est petit dans cet espace naturel minéral, balayé par le vent et les vagues.

Flaherty signe un poème "cosmique" de toute première envergure, qui n'a rien perdu, trois quart de siècle après sa réalisation, de sa puissance évocatrice. Ses images figurant la force brute de la nature présentent des similitudes avec certaines peintures de son époque (par exemple avec celles de Emil Nolde, peintre expressionniste -et post-romantique- allemand, exposées actuellement au Grand palais à Paris).

L'excellent livre de Vincent Pinel (un autre vincentp), "le siècle du cinéma" (Larousse), extrait fort à propos cette citation de Henri Hagel concernant L'homme d'Aran: "A partir du rendu le plus scrupuleux d'une vérité particulière, on s'élève peu à peu à l'universel et de là au mythe".