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Critique


De dumbledore, le 15 mars 2004 à 11:31
Note du film : 5/6

Tout le monde connaît bien sûr Paris. Wim Wenders nous a fait découvrir Paris dans le Texas. Voici maintenant Paris en Australie. Tout aussi paumée que celle du Texas, celle de Peter Weir est de plus totalement barjo. Imaginez plutôt. Paris, ville tellement isolée, tellement loin de tout qu’elle aurait dû disparaître depuis longtemps. Seulement, elle survit en recourant aux vieilles pratiques des « faiseurs d’épaves » qu’ont connues nos côtes : pousser les navires (les voitures ici) à s’échouer pour pouvoir ensuite les piller. Pire. Pour maintenir sa démographie, la ville adopte (de force) les survivants. C’est le cas d’Arthur qui vient de perdre son frère dans l’accident.

Les voitures qui ont mangé Paris (titré également pendant un temps "Les voitures qui mangent les gens", "The Car That Eat People" ) est le premier long métrage de Peter Weir et également un joli fiasco au box-office.

Il faut dire que le réalisateur australien n’y va pas avec le dos de la cuillère dans un humour noir et grinçant qu’il gardera encore (mais plus édulcorée) pour Le Plombier en 1980, soit sept ans plus tard, avant de l’oublier (presque) complètement. Dans ce film, Peter Weir ne fait aucune concession et a la main généreuse sur le vitriol qu’il utilise avec intelligence.

Le personnage principal d’abord, loin d’être un héros qui se bat pour quitter cet univers barje, un peu comme le ferait Sean Penn dans un U Turn, s’écroule sans cesse. Timide, complexé, petit également de taille, d’une beauté absente, il n’a rien du battant. Terry Camilleri est parfait dans le rôle, rappelant un Alberto Sordi dans L'Argent de la vieille. Son parcours n’est pas celui qu’on pourrait attendre. Il s’intègre au contraire parfaitement dans la ville jusqu’à une scène d’une surprise et d’une violence inouïe.

Le village ensuite propose une brochette de personnages à la fois hauts en couleurs et complètement fous. Que ce soit le maire ridicule de son petit pouvoir, aux administrés mesquins dans leurs petits plaisirs (la femme du maire par exemple, fière de son manteau de fourrure). Tous vivent leurs folies avec le plus grand calme, sans aucun conflit moral ni aucune hésitation, même quand ils commettent les pires horreurs. Ce sont des êtres parfaitement civilisés et comme toute société, ils doivent faire face à un problème recurrent : la jeunesse quia bien du mal à partager la même vision du monde.

Généralisons tout cela et on trouvera finalement une représentation acerbe de la société tout court. L’organisation du pouvoir officiellement démocratique mais qui donne raison à celui qui parle le mieux, la haine et la sauvagerie du groupe prêt à se réveiller quand le groupe est menacé, la position de la femme écrasée par un fonctionnement patriarcal qui l’empêche de s’épanouir, la réduisant au rôle de mère, etc…

Et surtout, il y a les voitures, symbole chargé de la société de consommation, vitrine de l’homme moderne comme chacun sait qui se trouve ici écrabouillé pour offrir deux variantes opposées. D’un côté, elle permet à la ville de survivre grâce à des rituels archaïques de meurtre collectif digne de la meute et de la mort du père d’un Totem et Tabou de Freud (Ils tuèrent le père et le mangèrent). La ville est à cet égard jonché de cadavres de voitures, véritable cimetière d’éléphants modernes, autant de rappels diurnes des pires horreurs commises quand la nuit tombe. Et d’un autre côté, la ville subit la répression de « jeunes » qui conduisent des voitures transformées qui annoncent déjà Mad Max quelques 6 ans avant. Ces voitures possèdent un aspect de fantômes habités par la vengeance, simple retour du refoulé, pour continuer la comparaison avec Freud.

Humour noir, violence, étrangeté habitent un film totalement atypique et d’une grande liberté dans le ton et le sujet. Seule l’action serait un peu à déplorer. Peter Weir prend plaisir (et nous le partage) à décrire l’organisation de cette ville folle, avec son hôpital de fous, ses habitudes, etc et du coup, il laisse un peu trop en retrait l’action du film. Pour des films comme La dernière vague, Pique-nique à Hanging Rock ou bien encore Le plombier un tel retrait de l’action n’est pas gênant car l’ambiance est telle que l’action est secondaire. Mais ici, il n’y a pas vraiment d’ambiance « étrange », seuls les personnages le sont et tourner autour d’eux sans cesse devient au bout d’un moment lassant et pousse même les personnages dans le grotesque à mesure qu’on les saisit mieux. Laisser plus de place aux jeunes et leur folie à eux (très western à la Léone!) aurait pu mieux équilibrer le film.


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