Que la bête meure me semble le meilleur de tous ces titres car le plus tendu. On est pris à la gorge du début à la fin par ce suspens très fort et hélas, presque unique dans l'oeuvre du réalisateur. Avec ce film, Chabrol a réussi à faire jeu égal avec ses maîtres Fritz Lang et Alfred Hitchcock. La mise en scène est en parfaite adéquation avec le script diabolique de Paul Gegauff. Le scénariste de Plein soleil n'avait pas d'égal pour emmener le polar à la française vers les sommets. Certaines séquences sont sublimement écrites, notamment la voix-off finale.
L'interprétation est remarquable, mais si l'imaginaire collectif a retenu le numéro de Jean Yanne, on ne peut qu'être étonné par l'excellence de Michel Duchaussoy, qui a tourné avec les plus grands et a fait une belle carrière, mais rarement en tenant un rôle principal aussi fort. C'est lui qui porte le film sur ses épaules pendant une bonne heure, le personnage de la "bête" apparaissant assez tard dans le récit. Saluons aussi la présence de Maurice Pialat, étonnant dans le rôle du commissaire de police.Certains moments atteignent des sommets, ainsi l'excursion en mer, une confrontation Yanne -Duchaussoy absolument glaçante. Une scène à montrer dans tous les cours d'art dramatique. Philippe Noiret, redoutant cette scène en bateau et l'ignominie du personnage avait refusé le rôle de la bête. Ce fut l'un des rares regrets de sa carrière. Il finira par tourner avec Chabrol Masques, film beaucoup moins réussi que Que la bête meure.
On peut penser que le personnage de Decourt, la bête, n'a rien d'humain et que cette caricature affaiblit le propos. Ce n'est pas mon avis: certes il est ignominieux et auteur du pire crime qu'on puisse imaginer, l'infanticide. Mais c'est quelqu'un qui aime la bonne chère, ce qui est un bon point dans l'univers chabrolien. C'est quelqu'un qui sait faire preuve d'intelligence lorsqu'il réussit à s'emparer du journal de Ténier-Duchaussoy. Enfin, les gens qui forment son clan semblent à peine meilleurs que lui. Mais tout cela n'engage que moi.De mon point de vue, la seule faiblesse du film est peut-être la scène où Ténier retrouve trop facilement la voiture de la bête, d'autant qu'un acteur prend un accent breton un peu bizarre… mais il ne s'agit que de quelques minutes sur 1H50.
Quoiqu'il en soit, Que la bête meure est le plus puissant de tous les Chabrol. Un chef-d'oeuvre du cinéma français et du thriller psychologique.
La vengeance la plus juste devient parfois la source des plus grands maux. Diderot.
Une vengeance qui tout en étant au départ légitime se transforme au fil d’une quête laborieuse en une sorte de rapport machiavélique entre un père accablé et un rustre millésimé.
Brutal et odieux régnant sur une maisonnée triste, lâche et servile désarticulée devant les dévastations quotidiennes qu’elle subit de la part d’un froussard, abject et prétentieux n’existant uniquement que par ses emportements injustifiés.
Un monstre vulnérable que l’on manipule tout en faisant semblant de se mettre en danger de manière à mieux le mettre sur le flanc par un faux pouvoir que l’on efface le moment venu.
Tout en restant déterminé un homme encore debout malgré l’immense tragédie qu’il vient de subir transforme une détermination naturelle en une transaction malsaine.
Supprimer un assassin oui mais de manière décalée tout en refusant d’en assumer les conséquences préférant laisser une descendance maltraitée payer à sa place une mise à mort que l’on a certainement soi-même opérée.
Une génération montante miraculeusement préservée qui tout en voulant par tous les moyens se soustraire d'une existence insoutenable n'hésite pas à se servir du paradoxe en sacrifiant son avenir dans une sorte d'offrande que l'on dépose devant un homme brisé.
Rattrapé par le repentir dont l’ultime décision est de laisser la nature décider de son sort.
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