Ce qui a de plus prodigieux, c'est la facilité de Lynch de mélanger sans qu'on en soit surpris, sans qu'on regimbe, des éclats de n'importe quoi : dans Twin peaks il y a des scènes d'une cruauté insupportable, des séquences sanguinolentes presque dérangeantes. Il y a des moments burlesques et presque ridicules, par exemple entre les amoureux du bureau du shérif de Twin Peaks, la standardiste Lucy Brennan (Kimmy Robertson) et son brave couillon de mari Andy (Harry Goaz), d'autres très singulières (les frères maffiosi Bradley (Jim Belushi) et Rodney (Robert Knepper) Mitchum et leur idiotes et gracieuses bunnies. Il y a de nombreuses séquences de classiques affaires de gangsters, d'autres qui sont affreusement gore, avec des visages explosés, d'autres vraiment poignantes (le petit garçon tué sur la route).
Et finalement, c'est ce qui fait l'immense qualité de ce feuilleton : on erre, sans toujours bien comprendre (mais comprend-on bien toujours ce qui se passe autour de soi, dans la rue ou même au boulot ?). On abandonne au passage des personnages dont on imaginait qu’ils pouvaient être importants ou significatifs (la junkie Hailey Gates et son gamin dans la caravane déglinguée, ou Beverly (Ashley Judd) , la nouvelle secrétaire de Benjamin Horne (Richard Beymer) à l'Hôtel du Grand Nord à Twin Peaks, les filles qui s’alcoolisent au Bang-bang bar et tant et tant d’autres). Des atmosphères de cauchemar aussi gênantes que dans Eraserhead, premier long-métrage de David Lynch, mais aussi des séquences oniriques lumineuses et dorées, la beauté exceptionnelle du filmage des forêts et des villes, une collection de visages et de corps qu’on n’oublie pas, des gens qui font frémir (le couple Hutchens : lui, Gary (Tim Roth) tue, elle, Chantal (Jennifer Jason Leigh) , torture, l’un et l’autre faisant ça avec volupté).On retrouve beaucoup d’acteurs de la première série, primordiaux (Kyle MacLachlan) ou secondaires (Peggy Lipton, qui interprète Norma Jennings, la patronne du café qui emploie toujours Shelly Briggs (Mädchen Amick) , Catherine E. Coulson, la femme à la bûche , §Michael Horse, le shérif adjoint aux origines peau-rouge).
On en découvre plein de nouveaux, par exemple Naomi Watts ou (dans un caméo, il est vrai), Monica Bellucci. Et aussi on a le bonheur de constater que le talent de David Lynch n’est pas réservé à la réalisation et qu’il est extraordinaire dans le rôle du patron sourd du FBI Gordon ColeJe doute que beaucoup de feuilletons puissent rassembler avec tant d’imagination et tant d’allure des épisodes aussi disparates, mêlant aussi adroitement l’horreur, le comique, l’érotisme, le fantastique, la noirceur, l’onirisme. C’est absolument grisant, en tout cas.
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