Avis un petit moins enthousiaste de mon côté.

C'est un film très bien réalisé par Bogdanovich et photographié par Robby Muller. Dans le rôle-titre Ben Gazzara est impérial. L'humour n'est pas absent et de nombreuses scènes sont réussies. Le contexte du Singapour des années 1970, lieu de repos pour les soldats américains engagés au Vietnam, est parfaitement dépeint.

Mais de mon point de vue, on peut déplorer aussi certaines scories. Bogdanovich essaie visiblement de marcher sur les traces de Cassavetes comme en témoigne la présence de Gazzara et l'absence de trame principale. Mais Saint Jack n'a pas tout à fait la puissance de Meurtre d'un bookmaker chinois.

Par ailleurs, l'interprétation me semble plus hétérogène que celle de la Dernière séance, le chef-d'oeuvre du cinéaste. Ainsi Bogdanovich lui-même n'est pas un acteur très convaincant ici.

Saint Jack est représentatif d'un certain cinéma d'auteur des années 70, très ambitieux et beau esthétiquement, mais pas forcément facile à suivre en raison du caractère erratique de son intrigue.

5,4. Saint Jack tourné en 1979 à Singapour est l'adaptation d'un ouvrage littéraire de Paul Theroux relatant des faits se déroulant en 1972, dans un contexte de fin de guerre du Vietnam et de dégel des relations sino-américaines. Découvert sur grand écran en version restaurée, permettant d'apprécier à sa juste valeur le travail remarquable de Robby Mûller dans la cité asiatique, dans de multiples décors, de jour et de nuit. Müller est le directeur de la photo (ou chef opérateur) de Alice dans les villes également découvert il y a quelques jours sur grand-écran. La mise en scène de Peter Bogdanovich est fluide, suivant pas à pas Ben Gazzara dans son parcours de souteneur au grand-coeur. Souvent de très nombreux personnages à l'écran (lors de la fête en plein air, par exemple), bien agencés dans le cadre. Intégration habile des épisodes de l'histoire de l'époque, par petites touches, sans exagération, ni dramatisation excessive. Ce point peut au minimum surprendre, ou déconcerter, ou bien constituer l'ébauche de reproches de la part de certains spectateurs, mais peut susciter aussi l'admiration d'autres spectateurs. On est plutôt en présence d'un film d'atmosphère, décrivant un monde à la confluence de plusieurs cultures, et le télescopage de personnalités. Cette oeuvre demeure moderne 45 ans après sa réalisation, et est très plaisante à découvrir : de la matière (on a l'impression d'apprendre quelque chose), et une forme de grande qualité. 1h54 mais le temps passe vite, ce qui est un bon indicateur.