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Le combat primal pour la dignité humaine


De Impétueux, le 23 octobre 2016 à 17:33
Note du film : 3/6

Malgré l'évidente virtuosité technique de David Fincher et la qualité de la distribution, je ne suis pas certain d'avoir apprécié ce film, assez long (plus de 2 heures 15) et dont les ramifications m'ont paru un peu trop tordues. Je ne suis pas certain non plus, d'ailleurs, de ne pas l'avoir apprécié. Et cette ambivalence correspond d'une certaine façon au jugement des critiques qui, à l'époque de la sortie sur les écrans de Fight club, avaient pris des positions antagoniques très arrêtées, les uns s'en enthousiasmant, les autres le descendant en flammes.

Le film a eu par la suite un grand succès commercial et a sûrement inspiré des vocations (provisoires, mais exaltées) chez des jeunes gens romanesques et naïfs, portés naturellement vers le radicalisme du propos et son absence de nuances. Et puis c'est un film qui change plusieurs fois d'orientation, qui bifurque en cours de route, qui mêle des propos disparates. Ce chemin plein de biais a sans doute déconcerté chez moi le vieux crabe à qui on ne l'a fait pas (qui parcourt en s'en émerveillant les chemins hypnotiques de David Lynch, mais ça n'est pas du tout la même chose).

Dans les vingt premières minutes de Fight club, j'ai cru me retrouver en territoire connu, en territoire houellebecquien, dans une variation du thème de la mortifère solitude, dans le désarroi devant l'abondance sans chaleur du monde de la consommation. Quelque chose comme Extension du domaine de la lutte aux États-Unis. Et je suis d'ailleurs sûr que Michel Houellebecq, s'il a vu le film ou lu le livre dont il est adapté a dû être particulièrement intéressé par ces groupes de paroles désolants, pitoyables, fréquentés par le narrateur (Edward Norton) qui au contact des cancéreux des testicules, des alcooliques anonymes, des parasités du sang, essaye puis parvient un temps à trouver l'apaisement de sa difficulté de vivre.

Ce qui suit, après la rencontre du Narrateur et de Tyler Durden (Brad Pitt) est à la fois plus convenu et plus étrange.

Le discours sur la malfaisance de la société de consommation (au fait, en connaît-on une autre, à part la société de pénurie ?), sur la volupté de se débarrasser des biens inutiles et de vivre en se satisfaisant de l'essentiel est vieux comme le Monde, développé déjà chez Bouddha et chez Épicure ; et la phrase tant admirée du film On est possédé par ce que l'on possède figure littéralement dans M. Bergeret à Paris (1901) d'Anatole France. On se plaît toujours à faire du neuf avec du vieux, surtout quand on est jeune. Et l'anarchisme pratique de Tyler Durden, pissant dans la soupe, crachant dans les plats et pétant sur les meringues ressemble à des milliers de plaisanteries de polissons excités. On se croirait à ce moment là dans la série Jackass où des galopins déjantés se lancent des défis de plus en plus absurdes. Même Quick et Flupke les deux garnements bruxellois créés par Hergé ont tiré des sonnettes.

Davantage originale, mais très morbide, la constitution du Club et la fascination graduelle que la volupté de la castagne cruelle va exercer sur un groupe de plus en plus large. Mais après tout le goût de la bagarre est consubstantiel aux petits garçons et à leurs enfants les hommes. Ça va de La guerre des boutons (version soft de la chose) jusqu'à Raging bull. Disons que là elle est plus violente et même très sanglante. Mais, ma foi, que pour exister à ses propres yeux et combler la vacuité de son existence on ait besoin non seulement de donner des coups mais d'en ressentir est finalement moins étrange qu'il ne paraît.

Se constitue alors une étrange phalange, une sorte de légion à forte connotation homosexuelle (le bataillon sacré de l'ancienne Thèbes grecque), mais une homosexualité qui serait, en quelque sorte non charnelle, la violence orgasmique ressentie et donnée paraissant à elle seule combler les besoins des protagonistes (Je me demande si une femme est ce dont j'ai besoin). La cave sombre des combats m'a fait irrésistiblement songer à l'atmosphère glaçante du Rectum la boîte homo sado-masochiste où Albert Dupontel cherche furieusement le Ténia dans Irréversible de Gaspar Noé.

Mais la bande ainsi constituée, qui obéit de plus en plus aveuglément à son gourou, m'a fait penser, de façon plus narquoise au groupe anarchiste des YAM (Y'en a marre !) rare truc rigolo de La vengeance d'une blonde de Jeannot Szwarc. Que signifie cette philosophie à la surhomme, montrant qu'on peut tout oser, tout détruire, tout souiller pour son propre épanouissement (et parce que son papa a été trop absent ou trop indifférent) ?

La dernière demi-heure du film, celle du Projet Chaos et des révélations de dédoublement final m'a semblé du plus haut farfelu, à la limite du ridicule. Et je n'ai pas du tout marché, moins à cause des invraisemblances et de la grandiloquence des situations que de ce regard apocalypto-moraliste qui a dû paraître à beaucoup comme un sommet du tragique humain. Ce qui est tout de même assez excessif.


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De lych666, le 4 septembre 2006 à 15:13
Note du film : 5/6

Je n'ai pas lu le roman de Chuck Palahniuk dont s'est inspiré Fight Club, mais je pense que sa critique de la société de consommation est plus étoffée que dans le film.

Fight Club fait partie de mes films préférés, le décalage des personnages et son humour noir donne un ton anti-tragique qui permet de rentrer dans l'univers d'une Amérique profonde de manière très inhabituelle.

Le parti pris de la dérision sur certains sujets, par exemple les réunions de malades du cancer du colon ou des testicules auxquelles Edward Norton assiste au début du film peuvent choquer certaines personnes, je trouve que c'est une manière très audacieuse de dénoncer le caractère de nombreuses personnes qui ont besoin de relativiser leur propre vie avec la misère des autres. Edward Norton est soulagé de ses insomnies quand il est confronté à

des gens qui touchent le fond et il arrive à dormir grâce à la fréquentation de ces clubs où il rencontre ceux qui ont de véritables raisons de s'apitoyer sur leur sort.

Doa2 quand vous dites "Ce film critique la consommation, le capitaliste et l'état c'est certain. Mais pourquoi cette critique, sur quelle base est elle fondé, personne ne le saura jamais."

Je pense que cette base est plutôt bien argumentée par Brad Pitt dans son discours pour ses disciples qui commence à peu près par: « Je vois ici les gars les plus intelligents que j'ai jamais vu On continue à faire des boulots de merde Les médias nous font croire qu'on peut tous devenir des stars on en a plein l'cul ».

Mais je pense que la plupart des propos des personnages de ce film ne sont pas à prendre au sérieux,même si parfois ils peuvent avoir raison, n'oublions pas que le narrateur est insomniaque et schizophrène (je n'en dit pas plus pour ceux qui n'ont pas encore vu Fight Club) et le film s'interprète en grande partie à travers sa vision des choses, le spectateur est guidé par cette interprétation qu'il le veuille ou non. Il faut prendre du recul sur les propos avancés par le narrateur; propos prônant le chaos et ridiculisant la société de consommation, et essayer de voir ou veut en venir l'auteur, c'est-à-dire :

Nous sommes dans la tête d'un personnage dérangé, déprimé, angoissé et ce personnage est un produit de la société de consommation, ceci, je pense, est la véritable critique.

De plus, ce personnage est suffisamment charismatique et intelligent pour entraîner toute une armée dans sa logique y compris le spectateur, une autre manière de dénoncer le phénomènes des sectes, Tyler Durden n'est ni plus ni moins qu'un gourou.

Dans la première partie, je pense que le film dénonce surtout le matérialisme parfois excessif chez certaines personnes qui vont se sentir plus heureuses simplement dans l'action d'acheter et de posséder des objets plus ou moins inutiles. La vision de l'auteur est simple : « plus on en a, plus on en veut », Edward Norton n'arrive toujours pas à dormir alors qu'il achète ce qu'il veut, au final, il perd tout et déprime plus qu'avant, il va voir Brad Pitt qui lui sort sa phrase choc : « Les choses que tu possède finissent par te posséder ».

Je trouve tout de même un hic dans ce film ; la fin trop capillo-tractée parait un peut bâclée, normalement, la fin du livre est différente. Dommage que David Fincher ne soit pas allé jusqu'au bout, car, malgré quelques incohérences que je ne puis révéler, je trouve les 3 premiers quarts exceptionnels dans sa manière de filmer, d'utiliser des techniques modernes et inédites pour la plupart :

  • Le Générique de début
  • L'accumulation image par image des meubles et autres accessoires envahissant la demeure du narrateur, accompagnés d'écritures descriptives façon catalogue.
  • Les plans en synthèse dans la cuisine du narrateur pour expliquer l'explosion.
  • L'utilisation focale pour les prises où tout semble loin du narrateur à sont boulot derrière son imprimante.
  • Le plan arrêté en 360 ° quand Marla singer et Brad Pitt font l'amour comme des bêtes
  • Les plans subliminaux incrustés de Brad Pitt.

Les dialogues, les acteurs et la narration du film sont géniaux :

  • Le narrateur parle à la caméra pour nous renseigner un peu sur Tyler Durden en tant que jeune serveur dans les restaurants :
  • « Il pissait dans la bisque de homard, pétait sur les meuringues et pour le velouté aux champignons…
  • Ouais vas y, dit leur…
  • Je vous laisse deviner… »

Où encore le cynisme déprimé et blasé de Marla Singer (Helena Bonham Carter) avec des répliques ultra violentes comme : « on m'avais pas baisé comme ça depuis l'école primaire »

La situation décalée où Le narrateur veut sa valise et parle au type du guichet de l'aéroport est hilarante…

Bref , je dois encore oublier pas mal de choses que je voulais dire à propos de Fight Club, mais ce message commence à devenir long et j'ai peur de trop en dévoiler pour ceux qui n'ont pas encore vu ce film à qui je conseille vivement de le regarder plusieurs fois.


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