L'univers et le style de Doillon ne m'ont jamais touché, mais ici il se contente de filmer platement, presque anonymement un texte intrigant de Nathalie Sarraute, une heure de dialogue entre deux amis, qui débouche – sans qu'il ne se passe rien de spectaculaire – sur la fin de leur amitié.

C'est fin, cruel, lucide, frisant l'absurde, mais ce "théâtre filmé" en huis clos monacal, vaut le déplacement pour son duo d'acteurs : Trintignant d'abord, le roi de l'ambiguïté souriante, monolithique et délicatement pervers, paternel avec des éclairs de cruauté, et Dussollier moins maniéré que de coutume, en "loser" parano. Les deux hommes se complètent magnifiquement, jouant sur des registres à la fois proches et éloignés, et tirent tout le suc d'un texte pas si limpide qu'il n'en a l'air. On a souvent moqué le cinéma d'auteur français, en le décrivant comme un exercice de masturbation mentale, plaçant deux personnages dans une chambre de bonne… Pour un oui ou pour un non illustre parfaitement ce portrait. Grâce aux comédiens, on reste pourtant scotché.