Phantom Lady est le premier film américain vraiment intéressant de
Robert Siodmak.
Il retrouve là une thématique qui lui est chère, celui de la folie et plus particulièrement le personnage du tueur en série.
L'histoire est celle d'un ingénieur, Scott Henderson qui dépité par sa femme avec qui il devait aller au spectacle, sort et passe sa soirée avec une jeune femme qu'il croise dans un bar. Retournant chez lui, après la soirée, il découvre que sa femme a été assassinée. Il cherche à retrouver la femme avec qui il a passé la soirée, mais n'arrive pas à mettre la main dessus. Plus étonnant, les différents témoins (barman, chauffeur de taxi et chanteuse du spectacle) ne se souviennent plus de la présence de cette femme. Scott est condamné à mort pour l'assassinat de sa femme et baisse les bras. Heureusement, sa secrétaire, amoureuse de lui, reprend l'enquête.
Phantom Lady est un petit bijou pour plusieurs raisons. D'abord dans sa structuration très étonnante. On démarre sur un personnage principa, celui de Scott Henderson dans une trame proche d'Hitchcock : le faux coupable, la femme mystérieuse.
Une femme disparaît pourrait résumer ce film! Après 25mn de film, le personnage baisse les bras, abandonne la partie et accepte sa mort avec fatalisme. A ce moment là, on change de personnage principal : sa secrétaire prend le relais et reprend l'enquête. Le principe avait déjà été éprouvé par
Robert Siodmak dans
Pièges (qui raconte une histoire proche), en France, 5 ans plus tôt, avec le même succès. Ce principe permet de montrer comment deux personnages, face à une même situation, agissent différemment. Là où l'homme cède, renonce vite, la femme, pas sa ténacité, sa pugnacité même, arrive à aller jusqu'au bout et à être plus forte que l'homme. La représentation est pour l'époque révolutionnaire : la femme sauve l'homme et non l'inverse. Des deux personnages, d'ailleurs, Carol est bien plus intéressante que Scott.
A travers ce scénario aiguisé, passionnant, plusieurs grandes scènes se dessinent et qui permettent à
Robert Siodmak de faire preuve de tout son talent. On retiendra notamment la scène dans le petit club de jazz où par la musique un joueur de jazz qu'a séduit Carol arrive à l'orgasme rien qu'en la regardant, elle ne cessant de l'encourager. Terrible scène.
Ou bien encore les scènes durant lesquels Carol suit le barman qui refuse de dire la vérité sur ce qui s'est réellement passé. Le film est également étonnant par son travail sur la musique. A part les musiques des deux génériques, il n'y a aucune "musique de film". Les scènes musiques présentes sont celles "in" : musique du juke box ou musique de jazz joué par le batteur ou encore musique lors du show à Brooklyn.
Deux petits regrets toutefois dans ce film. D'abord le manque de clarté sur l'identité de cette "femme fantôme". Il n'est pas clair pourquoi elle disparaît ainsi et comment toute la manipulation se met en place. Le second regret concerne le personnage du tueur en série. La mise en image est intéressante avec notamment le travail qui est fait sur les miroirs qui permettent visuellement de "cliver" le personnage. Intéressant également cette idée que les mains "gênent" sans cesse le tueur, qu'elles le démangent. Seulement au-delà, le personnage est caricatural, bien moins complexe que les autres personnages dans leurs psychologiques et dans leurs déterminations.
Petits regrets donc pour un grand film…