Ce n'est pas mon cas. Mais là j'entre tout de suite dans la vie de Claire Dolan, qui passe des coups de fil aux noms successifs de son carnet d'adresses comme elle le ferait si elle était démonstratrice Tupperware. Et forcément, ça accroche bien un des clients habituels, qui ce soir précis a le temps, ou l'envie, ou le vague-à-l’âme ou quoi que ce soit. Les mots qui se disent, si précis et crus qu'ils peuvent être (J'ai envie que tu sois en moi) n'abusent évidemment personne et font partie du rituel. La somme à régler est rappelée presque incidemment et personne n'a le mauvais goût d'en discuter le montant. On sait ce qu'on pourra obtenir (et pas davantage) pour la somme convenue.
Régulièrement, Claire Dolan va, dans un bistro anonyme, remettre sa redevance à Elton Garett (Vincent d'Onofrio) qui parait avoir aussi peu d'affectivité qu'elle et se contente de percevoir ce qu'il appelle le remboursement de la dette. Car, au fait, on ne sait rien, ou à peine, de Claire et de son maquereau. On ne sait pas ce que la femme a pu faire auparavant, comment elle est tombée dans la prostitution, ce que c'est que cette dette qui lui est rappelée, sans insistance mais avec une fermeté qui ne laisse pas de place à la discussion. Tout cela est aussi froid et glaçant que la lumière hivernale de New-York, l'indifférence de tout le monde, les perspectives de l'existence. Sauf que voilà que la mère (Muriel Maida) de Claire va mourir, vient de mourir. Solitude absolue de l'inhumation où Claire est seule avec le prêtre. Prise de conscience ? Rupture désormais possible puisque la seule qui avait encore besoin d'elle vient de disparaître ? Ce n'est pas très clair mais il n'est pas nécessaire de comprendre davantage. Claire essaye de changer de vie, de devenir coiffeuse. Bernique ! Elton le mac sait où la retrouver et veut clôturer les remboursements. Et parallèlement il y a une rencontre amoureuse, en tout cas différente avec un conducteur de taxi Roland Cain (Colm Meaney). Ça pourrait peut-être marcher si Claire, née pute, qui mourra pute n'avait pas compris qu'avant tout il faut fuir. Se retrouver ailleurs. Dans un autre monde. Moins désespérant ? on verra bien.Katrin Cartlidge est absolument magnifique. Rien de classique ni d'attrayant dans son allure ; un visage fermé, difficile, muré. Mais aussi une force de séduction qu'on devine extraordinaire, violente, bouleversante pour ceux qui l'approchent. Un film vraiment étrange, intelligent, distant, glacé.
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