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L'ambiguïté de Clift


De Impétueux, le 2 novembre 2022 à 20:29
Note du film : 2/6

J'en suis toujours à me demander ce que le monde du cinéma a bien pu trouver à Alfred Hitchcock pour le placer sur une telle éminence cinématographique et faire de ce réalisateur banal et débonnaire une des lumières du Septième Art. Plutôt plus limité que Gilles Grangier ou Georges Lautner il bénéficie d'adulations invraisemblables pour son cinéma bien souvent routinier et ce n'est pas grâce à quelques films assez réussis (La mort aux trousses, Psychose, Frenzy) qu'il survivra pour la postérité. Écrivant cela je me rends compte que le gros homme est mort il y a plus de quarante ans et que son aura ne paraît pas décliner. Quelle pitié !

La loi du silence est un des mélodrames les plus niais que j'aie jamais vu. S'établissant sur le sujet toujours excitant, pour les incroyants, du secret de la confession, c'est-à-dire de la certitude de ce que l'on confie à un prêtre ne pourra en aucun cas être rapporté par lui à qui que ce soit, il construit un récit bêtifiant, nourri d'invraisemblances et de grandiloquences qui n'a rien à envier aux Deux orphelines ou à La porteuse de pain, grandes gloires des melliflues pleurnicheries d'avant.

Un triste bonhomme, Otto Keller (O.E. Hasse) et sa femme Alma (Dolly Haas) réfugiés à Québec dont on ne sait d'où ils viennent et ce qu'ils ont connu sont employés dans un presbytère mais n'ont pas assez d'argent pour envisager un avenir convenable. D'où l'idée d'Otto d'aller cambrioler 2000 $ chez le riche homme d'affaires Vilette (Ovila Légaré). Manque de pot, il ne fait pas que le cambrioler, il le tue. Et, alors que rien ne paraît le trop gêner, après le crime, il ressent le besoin de se confesser et de livrer son secret à l'abbé Logan (Montgomery Clift), prêtre de la paroisse qui l'héberge. L'affaire est donc alors verrouillée, puisque, comme dans L'auberge rouge, le dépositaire du secret n'a aucune possibilité de le divulguer.

Tout cela irait encore si ne se greffait sur cet exemplaire cas de conscience une intrigue assez ridicule entre le prêtre et son ancienne amoureuse Ruth (Ann Baxter) qui, dépitée du silence et de l'entrée dans les ordres de Logan, s'est mariée avec un avocat (ou parlementaire ? la chose n'est pas claire) Pierre Grandfort (Roger Dann) qui l'aime et qu'elle n'aime pas (et ne le lui a pas caché). Voilà qui est très clairement cucul-la-praline et qui avance sans surprise vers son aboutissement.

Car il va de soi que le pauvre prêtre Logan est d'emblée suspecté d'avoir assassiné le méchant Villette, pour dix raisons que j'ai la grande flemme d'évoquer. L'étau policier, puis judiciaire se resserre contre lui sans que les raisons qui auraient pu expliquer son éventuel crime soient établies.

Comme – il faut bien lui reconnaître quelques qualités – Alfred Hitchcock met un certain rythme dans ses réalisations, on ne s'ennuie pas trop. Toutefois chaque péripétie est tellement prévisible, tellement grosse de celle qui va la suivre, qu'on n'a pas une minute la sensation d'être dans un film de suspense : on sait très bien que tout va s'arranger ductilement, que les méchants seront punis et que les bons s'en sortiront.

Vous me direz que les neuf dixièmes des films sont de cette même veine. Je ne prétends pas le contraire. Ce qui m'agace c'est que l'outre Hitchcock soit célébrée sur tous les tons. Il y a tellement mieux à voir au cinéma ! Notons aussi que la musique du célèbre Dimitri Tiomkin oscille entre le bêta et l'emphatique. Belle performance !


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De DelaNuit, le 4 février 2013 à 18:04
Note du film : 6/6

J'ai adoré cet Hitchcock méconnu qui nous plonge dans l'atmosphère de Québec dans les années 50. Les lieux sont comme d'habitude utilisés pour créer une atmosphère d'inquiétude et de suspense : remparts, ruelles, églises…

Montgomery Clift est parfait avec son visage lisse, son regard clair, ses gestes mesurés, pour incarner ce prêtre accusé à tort, refusant de rompre le secret de la confession pour s'innocenter. Une image symbolique le montre marchant dans les rues de Québec sous le poids de son cas de conscience tandis qu'en parallèle au premier plan, une sculpture montre le Christ encadré de soldats romains, portant sa croix…

Monty avait passé du temps auprès de prêtres québécois, dont un en particulier qui était son ami et le resta jusqu'à sa mort, afin de se familiariser avec leur univers et leur gestuelle. Difficile en voyant le film d'imaginer qu'une fois retiré la soutane du rôle, il trainait dans les bars interlopes et s'y faisait amocher par des matelots que sa séduction laissait visiblement insensibles, ce qui obligeait le lendemain Hitchcock à bien choisir les angles de vue pour éviter les parties du visage tuméfiées…

Curieusement, il semble que Hitchcock, dont les colères et vexations d'acteurs sur les plateaux sont fameuses, ne lui en tenait pas rigueur, estimant peut-être que le jeune homme se débattait avec des démons intérieurs amplement suffisants…

On a aussi raconté que Hitchcock, fasciné non seulement par les perversions et cruautés en tous genre mais d'une façon générale pour les originalités de la nature humaine, était fasciné par le thème de l'homosexualité, qu'il traita ouvertement dans La corde, et de manière plus subliminale dans L'inconnu du Nord-express. Observer Monty Clift pendant le tournage, sa sensibilité, ses paradoxes, son ambiguïté, ses souffrances lui était un spectacle permanent nourrissant son voyeurisme et sa propre curiosité.

La belle et talentueuse Anne Baxter, dont il s'agit d'un des meilleurs films, ne bénéficia pas du même traitement. Arrivée en retard et éméchée sur le plateau un matin, elle se prit une tornade d'injures bien pire que la tempête du film qui l'oblige à s'abriter avec Monty dans le pavillon de jardin d'une propriété de campagne. Hitchcock la menaça même de la remplacer et de retourner avec une autre tout ce qui avait déjà été mis en boîte.

Ainsi la perversité du Maître s'exprimait-elle différemment selon les acteurs qu'il dirigeait. Peut-être n'est-ce pas pour rien dans l'atmosphère inquiétante de ses films, qui continue de nous interpeller 60 ans plus tard…


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