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Le sel de la terre


De Impétueux, le 30 septembre 2011 à 17:39
Note du film : 4/6

Est-ce que Biquefarre est la suite de Farrebique, filmée trente-sept ans après ? Oui, bien sûr : le même village aveyronnais, la même rudesse de la nature, les mêmes visages burinés, les mêmes tables où l'on s'assied et où on offre au visiteur un verre de vin rouge, et certains des protagonistes principaux, sur qui les ans ont passé.

Et non, aussi, parce que la démarche de Georges Rouquier n'est plus tout à fait la même, parce qu'il introduit dans son ethnographie un récit au déroulement incertain, une sorte d'intrigue, et même un petit bout d'histoire sentimentale. De ce fait, les personnages, au lieu d'être simplement filmés sont mis en scène, ce qui n'est pas inintéressant, mais ne permet plus le formidable regard documentaire du premier opus.

Donc, c'est à la fois ça, et pas tout à fait ça et si les allers-retours avec insertion d'images de Farrebique montrent l'immensité des évolutions survenues dans la profonde campagne française entre le lendemain de la guerre et les débuts de la disparition des paysans, ce n'est pas ce que Biquefarre a de meilleur. Non plus, d'ailleurs que les images et séquences qui dénoncent les dangers de l'agriculture industrielle et de ses poisons chimiques, un peu trop démonstratives.

En fait, il semble que le réalisateur ne s'est pas donné le temps – ou n'a pas pu se donner le temps – de rester longuement au contact de son sujet. Le titre complet du premier film était Farrebique ou les quatre saisons et le lent passage du temps, son permanent retour lui donnaient ce rythme formidable de l'immuabilité. Les questions de terre, d'héritage, de parcelles convoitées n'y étaient évidemment pas anecdotiques, mais prenaient leur juste place, au milieu de tas d'autres événements, les orages et les moissons, la sécheresse et la veillée.

Biquefarre s'appuie moins sur la nature, tour à tour généreuse et cruelle, et toujours indifférente à l'homme, et davantage sur les personnages, et plus encore sur la permanence de ce qui est le grand amour des paysans : l'appropriation de la terre ; en tout cas, en 1983, c'est encore ce ressort-là qui domine, qui brouille les familles et les amis, qui vaut menaces, chantages, stratégies subtiles, mensonges et roublardises. C'est le meilleur du film, sans doute, cette séquence où les deux frères, Roch, brisé par l'attaque d'hémiplégie qui l'a rendu muet, et Henri, son cadet qui le soutient et porte presque son aîné se rendent sur la tombe de leurs parents, au petit cimetière triste de Goutrens et où, sur les visages des deux vieillards, les larmes coulent parce qu'ils ont enfin réuni Farrebique et Biquefarre et viennent le dire à leurs morts…

Biquefarre est un très bon film, donc, même s'il n'atteint pas la très grande beauté de Farrebique ; à noter une très belle musique de Yves Gilbert qui fait songer à du François de Roubaix ou du Philippe Sarde ; et aussi, dans la bonne édition DVD, le documentaire sur le beau métier Le maréchal-ferrant aussi intéressant qu'était Le tonnelier inclus avec le premier film.


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