En tout cas son style d'écriture et son sens de la dérision se sont particulièrement bien prêtés à la transcription télévisée. Et on peut d'ailleurs beaucoup regretter que sa veine n'ait guère été explorée ni exploitée par le cinéma ou la télévision ; il est vrai que fervent gaulliste et fervent monarchiste, il n'entrait pas dans les lucarnes étroites du politiquement correct. (Au fait, il fait une toute petite apparition muette (un caméo), en acheteur ironique à béret basque dans le téléfilm).
Molinaro a disposé de beaux moyens matériels pour adapter le roman et surtout d'un minimum de temps : un peu plus de 3 heures, en deux épisodes diffusés en deux jours consécutifs lors de la première diffusion, ce qui permet de donner un récit à peu près intact et d'en respecter le rythme ; autant qu'il m'en souvienne, il n'a pas eu à faire l'impasse sur des épisodes importants, ce qui permet de conserver une agréable cohérence. Il a eu surtout le mérite de respecter l'acidité du récit de Dutourd, ce qui ne serait peut-être pas possible dans notre vertueux aujourd'hui.Je m'explique : le roman a été publié en septembre 1952, c'est-à-dire à un moment très proche du déroulement des événements relatés, un moment où toutes les manigances, les vacheries, les veuleries, les médiocrités racontées étaient encore bien présentes à la mémoire des lecteurs ; je sais bien que celle-ci a tendance à oublier les petites crapoteries qu'on a commises et à valoriser ses minuscules courageuses réactions pour en faire des actes de résistance, mais enfin on ne peut tout de même pas raconter n'importe quoi, ni faire mine d'oublier qu'on a acclamé le maréchal Pétain en avril 44 avant d'aller applaudir le général de Gaulle au mois d'août et cela avec le même enthousiasme.
D'où l'efficacité du téléfilm qui montre avec un sourire triste mais détaché la réalité des années noires : tout simplement la nécessité de trouver à bouffer chaque jour, de ruser avec les tickets d'alimentation, de se faire quelquefois plaisir en achetant dix fois son prix une douzaine d'œufs ou une livre de beurre. Tristes vicissitudes de nos ventres !Hanin joue plutôt sobrement et Andréa Férréol est gluante et ignoble à souhait ; abjects ? oui, évidemment, mais comment ne pas noter non plus leur complicité amoureuse et leur ardeur au travail ? Comment ne pas voir qu'à de rares exceptions près, ils sont entourés de bonnes gens qui, s'ils étaient crémiers à leur place agiraient à peu près pareillement ?
Et puis j'aime toujours revoir le beau visage triste et déjà suicidaire de Christine Pascal, la petite bonne exploitée…
3 millions de lettres de dénonciation pour la seule Gironde, écrivez-vous, Lesage ? Ça me semble beaucoup ….
Non, non, Monsieur..Et je vous sais bien mieux placé que moi pour vérifier et confirmer ce chiffre. Je l'ai lu X fois et, très curieusement, tous les accès à cette information sont aujourd'hui Inaccessibles. Surtout sur internet. Mais je pense qu'il est encore (et heureusement) possible à tous de se procurer les livres de Jean Dutourd, pour ne parler que de lui.
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