Provocation, mot jeté à tous les bouts de champ de la vie politico-médiatique (Vulgaire provocation policière !, beugle-t-on, dès que les forces de l'ordre essayent de faire appliquer des lois, jugées infâmes, et pourtant démocratiquement adoptées) ou dans le champ de la vie quotidienne de beaucoup (c'est une provocation que de croiser le regard, sans baisser les yeux, d'une petite frappe violente).

John Waters a fait son fond de commerce de cette notion-là, et je reconnais volontiers que Serial mother est une parfaite réussite, la mère de famille modèle et tueuse dès qu'une infraction aux codes les plus formels est commise étant une assez rare incarnation.

Mais Cry-Baby, provocant ? J'ai découvert le film sur la pelouse de La Villette, lors d'une projection de cinéma en plein air, extrêmement conviviale, et même amusante, du fait du lieu et de l'abondance du public, mais qui ne permet peut-être pas d'apprécier exactement la qualité de ce qu'on vous propose, même si l'image et le son apparaissent au mieux de ce qui peut être fait…

Cry-Baby est une de ces histoire de teen-agers comme en raffolent les Étasuniens où une jeune fille issue de la bourgeoisie guindée (forcément guindée !) est séduite par un beau mec qui appartient à un autre milieu, d'apparence un peu cinglée, mais chaleureux et accueillant (il me semble que Dirty Dancing était à peu près construit sur le même schéma) et où, par osmose ou contagion, à la fin, les vieillardes les plus coincées finissent par jeter leur bonnet au dessus du moulin.

Voilà qui paraît tellement dans l'ordre du politiquement correct qu'on s'ennuie un peu, tant c'est prévisible ; c'est le contraire qui serait amusant, pourtant….

Mais enfin, dans le genre, Cry-Baby est plutôt réussi, grâce à une certaine jubilation dans l'abjection (la présentation filmée de la singulière famille Rickettes, où chacun, des grands-parents (Susan Tyrrell et Iggy Pop) aux petits-enfants rivalise dans l'outrance délinquante), grâce à des trognes invraisemblables – Hatchet-Face (Kim McGuire) – et surtout grâce à la bande musicale, absolument parfaite, variée, délicieuse et remarquablement rythmée…