Même si on rit en maints endroits, surtout en première partie, ce film est à glacer le sang. Donnant la vedette aux enfants dans le monde on ne peut plus adulte d'un camp de réfugiés kurdes à la frontière irako-iranienne, son personnage principal est un petit garçon débrouillard à lunettes d'une douzaine d'années surnommé Zak Satellite, jeune virtuose du troc et de la récupération, qui réussira même à mettre la main sur une antenne parabolique – antenne dont les « vieux » ont grandement besoin car, en cette veille imminente de la seconde guerre USA-Irak, il devient urgent de capter les nouvelles… Surviennent plus tard au camp deux enfants errants un peu plus âgés : un manchot qui est censé avoir un don de divination et sa sœur cadette; et avec un eux un bébé aveugle. Il y a là un nœud de l'histoire que je me garderai de révéler, et qui donne au titre tout son sens.

La principale activité des marmots qui suivent Satellite consiste à recueillir des mines antipersonnelles qu'ils vont ensuite échanger dans un gros sac au « marché des armes », non loin de là. Le nombre d'enfants à qui il manque un bras ou une jambe est atterrant, c'est un cauchemar. Et ce que je crois comprendre, c'est qu'il existe ou a existé un programme de récupération de l'ONU ? Et que par conséquent c'est en raison de ce programme même que les enfants prennent de si terribles risques ? Il va falloir que je me renseigne, et vite.

Tout en étant (encore) plus noir, et aussi un peu plus cryptique – on y trouve quelques scènes allégoriques dont la symbolique m'échappe un peu – ce film est à rapprocher de l'excellent Kilomètre zéro par sa capacité à stigmatiser par l'humour et l'ironie une situation proprement intolérable. L'ensemble est forcément épisodique, mais remarquablement bien filmé – la scène d'ouverture où on se livre à des manœuvres compliquées pour capter les ondes télé est à elle seule un morceau d'anthologie – et les jeunes interprètes sont d'un naturel qui donne froid dans le dos. Ce sont des enfants qui n'ont rien connu d'autre que ça : la guerre, les camps, la survie élémentaire dans un monde dévasté auquel ils semblent, à plus d'un égard, mieux adaptés que les adultes…