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Bien fait, mais...


De Impétueux, le 16 avril 2021 à 14:23
Note du film : 4/6

Un film plein de grâce, intelligent, subtil, qu'on peut sans doute juger un peu lent, un peu précieux, un peu trop voué aux états d'âme de jeunes gens (et de familles) d'une bonne bourgeoisie attentive aux apparences, cultivée, guère fortunée. Mais qui tient son rang et a pour elle raffinement, courtoisie, respect des codes et des bienséances. Mais enfin, cette bourgeoisie-là, qu'elle fût un peu plus ou un peu moins aisée, c'était tout de même la trame de la belle Europe, celle d'avant la Grande guerre, celle qui s'est entretuée dans une sorte de suicide collectif qui l'a laissé blessée à mort, réticente à tout, sauf aux folies des sorciers Hitler et Staline.

Je vais bien loin dans la divagation pour Les deux Anglaises et le Continent, mais je crois aussi que les états d'âme des personnages, la sophistication des situations, les craintes, les espérances et (même) les tentatives de transgressions ne peuvent être compris que pour qui a un peu appris, un peu connu (par lecture ou par ouï-dire évidemment), ce qu'était le monde avant que Prinzip, le 28 juin 1914, à Sarajevo, ne fasse éclater l'orage dans le ciel bleu clair.

Et puis écrivant cela, je me ravise un peu : le film est une transcription de l'autobiographie de la jeunesse de l'auteur Henri-Pierre Roché, autobiographie apparemment très fidèle, un peu davantage que celle d'une autre partie de la vie de l'auteur, qui donnera lieu à Jules et Jim avec, de façon plus diffuse, les multiples facettes de L'homme qui aimait les femmes. Trois récits mis en scène par François Truffaut, qui avait des affinités intellectuelles, mentales sûrement même, bien plus que sociales avec Roché. C'est-à-dire avec un jeune bourgeois dilettante, ami des arts, résolument et conceptuellement libertin, un homme qui avait théorisé ses innombrables infidélités et avait même, à de nombreux moments de sa vie, institué une sorte de système de vie et de baguenaudage, cédant et échangeant ses maîtresses avec ses camarades de bamboche.

On voit un peu cela dans Les deux Anglaises et le Continent, dans toute la partie parisienne où le héros, Claude Roc (Jean-Pierre Léaud) s'insère profondément dans ce Paris qui foisonne et commence à bouger et secouer les codes, où Claude, écrivain d'art, achète les premiers tableaux de Picasso, où, dans les milieux artistiques, règne une grande liberté de mœurs. Mais il y a pour autant, dans la première moitié du film, un très intéressant regard porté sur le périple de ce jeune homme qui vient passer quelques mois au Pays de Galles, aux côtés de deux sœurs, graciles et délicates comme de la porcelaine anglaise, Ann (Kika Markham) et Muriel Brown (Stacey Tendeter). Mme Roc (Marie Mansart) et Mrs Brown (Sylvia Marriott) sont l'une et l'autre veuves et sont d'anciennes amies. Ann qui a connu Claude à Paris voudrait le rendre amoureux de sa sœur aînée Muriel, rousse et fragile, qu'elle estime plus à même qu'elle de le rendre heureux.

Rivages gallois, campagne verte, grise, ventée. Trois jeunes gens qui se croisent et s'interrogent sur ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent. Petits et grands secrets. Sensualité intense et frustrée. Une fois posé le triangle amoureux (les deux sœurs et Claude qui est à lui seul le Continent, avec ce que ce terme peut avoir à la fois de séduisant et d'inquiétant pour des Britanniques), le film ne peut qu'aller son cours. Ramifications compliquées, vertiges amoureux, incertitudes et désirs ; névrose sexuelle de Muriel, boulimie séductrice de Claude, frustration passionnée d'Ann. Tout cela ne va pas aller pour le mieux.

Peu après, Claude écrira un premier roman, Jérôme et Julien qui relate, de fait, l'histoire de Jules et Jim, c'est-à-dire celle d'un triangle amoureux inversé, réellement vécue, elle aussi par Henri-Pierre Roché. On ne peut dire que ces singularités concernent tout le monde ; on ne peut pas dire non plus que ces situations sont si exceptionnelles que ça… Mais qu'elles rendent perplexe, sûrement.

François Truffaut filme assez longuement, assez lentement, avec de très belles images pâles dues à Nestor Almendros et un soin très attentif donné aux décors, aux costumes, aux visages de tous. Sa voix off, très présente, rythme particulièrement bien le long récit et lui donne cohérence et harmonie. Je suis de ceux (ils ne sont pas légion) qui font mieux que supporter, qui apprécient le jeu maniéré de Jean-Pierre Léaud qui me semble en tout cas convenir parfaitement bien au personnage de ce jeune homme incertain d'autrefois, de pays et de temps qui ne sont plus…


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De vincentp, le 16 mars 2007 à 22:08
Note du film : 4/6

Une adaptation exemplaire d'une oeuvre littéraire. Beaucoup de qualités (mise en scène, interprétation, musique, montage, …) pour un récit qui relate sans compromis les mésaventures sentimentales de trois jeunes gens du début du siècle et de bonne condition sociale.

Les inconditionnels des drames psychologiques, tels qu'ils étaient réalisés au début des années 1970, seront ravis. Les autres, dont je fais partie, loueront les qualités de l'oeuvre, mais après avoir baillé d'ennui, regrettant la surenchère d'épisodes dramatiques et l'absence d'humour.


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